vendredi, octobre 18, 2013

BUFFALO SOLDIERS...


En 1863 durant la guerre de sécession, au constat des pertes considérables qui avaient été celles des armées nordistes, et face aux émeutes populaires grandissantes qui contestaient le principe de la conscription, Abraham Lincoln prit la décision d'ouvrir les rangs des forces armées à des soldats noirs. Et ceci, d'autant que depuis 1862, les sudistes quant à eux avaient déjà constitué à leur service, des milices de nègres.

Ainsi sera créé dans l'armée nordiste, le 54eme régiment du Massachusetts, composé de noirs sous commandement d'officiers blancs, et qui participera au prix de pertes effroyables, comme à la bataille de Fort Wagner où il se trouva pris en tenaille face à une puissante artillerie sudiste, qui le frappait à la fois depuis les terres et depuis la mer, dans quelques unes des plus furieuses batailles de cette guerre...

Cette démarche va amener Lincoln à ajouter à son but principal de guerre qui était la sauvegarde de l'Union, celui d'abolition de l'esclavage...

Au sortir de cette guerre, c'est dans la foulée du 54eme régiment que seront créé ceux dits des "Buffalo soldiers", selon une appellation que leur ont donné les Indiens qu'ils combattaient, qui étaient les premiers régiments noirs de l'armée américaines, et qui seront dissous en 1951 à l'occasion de la guerre de Corée, où sera décidé l'intégration dans cette armée américaine...

Ceux-là non plus vous n'avez par vu ni entendu conté leurs aventures dans quelque épopée de l'Ouest, au cinéma ou ailleurs, et si nous devons nous garder d'en faire l'éloge, compte tenu qu'ils ont participé aux cotés des blancs au génocide des Indiens, il est nécessaire de connaitre leur existence. Ceci, pour comprendre que les noirs aux Etats Unis, et contrairement à la façon dont on rend habituellement compte de l'Histoire de ce pays, n'ont pas du tout été de simples spectateurs dans la constitution de celui-ci, mais qu'ils y ont pleinement participé, même à des aspects contestables de son établissement...

L'autre intérêt d'avoir connaissance de ceci, c'est de comprendre à quel point par la force des choses, des hommes, qu'ils soient noirs ou qu'ils soient blancs, ne peuvent manquer d'être très profondément imprégnés par l'histoire de la nation à laquelle ils appartiennent depuis des générations, combien même y auraient-ils souffert, de la même façon que ceux qui ont souffert toute leur vie au fond de la mine, furent tristes quand celle-ci fut fermée.

C'est à cet attachement très puissant au cadre de son vécu, de ses familiarités, de ses épreuves subies, et de ses émotions partagées avec ses proches, que nous devons l'échec du panafricanisme selon lequel des militants pensaient pouvoir établir une solidarité entre les nègres du monde entier, selon ce critère racial, et pour pouvoir faire face aux problèmes qui étaient les leurs, et partout les mêmes...

Mais, ils ont totalement sous-estimé la force des attachements étatiques, culturels, et affectifs, lies au vécu, et solidifiés par le temps, et qui s'établissent même dans l'inconfort d'une adversité permanente dans sa société, et à laquelle l'individu doit faire face... 

Et de fait, malgré la contribution d'illustres penseurs à ce projet, loin de transcender ainsi qu'ils l'espéraient toutes les autres formes d'appartenance, la solidarité raciale n'a pas suffit à ce que puisse se constituer un ensemble panafricain, et c'est cette même amère expérience que sont en train de faire les peuples européens qui, bien qu'appartenant à la même race, se demandent aujourd'hui qu'est-ce qu'ils foutent ensemble...

Comprenons alors qu'on ne remplace pas un vécu par un discours, autrement dit qu'on ne remplace pas l'affect, par l'intellect...

Paris, le 18 octobre 2013
Richard Pulvar

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