samedi, février 06, 2016

LAICUS, l’homme du peuple (laos), le commun CLERICUS, celui qui sait écrire, l’homme d’église



Il est intéressant de noter qu’au départ, il n’y a pas d’opposition philosophique entre le “laïc”, et le “clerc”, qui confessent l’un et l’autre en une même croyance dans une société qui, dans le sens moderne de ce terme, ignorait alors tout de la “laïcité”, mais une différence de compétence. Car au contraire du clerc qui possédait une connaissance lui permettant de d’admettre le fait de Dieu, le laïc sans instruction, ne possédait curieusement que sa “foi”.

Le terme laïc ne s’opposera au terme clerc que vers la fin d’un 19ème siècle de furieuse lutte anticléricale et où, à l’heure ou la république de Jules Ferry se chargeait de l’éducation des enfants, il désignera celui qui n’aura pas reçu d’éducation dans le cadre de l’église, et donc pas reçu d’éducation religieuse…

Cependant, la loi de séparation de l’église et de l’état de 1905, ne fait pas état de ce qui deviendra la “laïcité”, qui est une notion très française qu’ignorent la plupart des pays, comme la Grande Bretagne ou la Reine d’Angleterre se trouve à la tête de l’église anglicane, l’Allemagne où il existe encore le concordat, ou les Etats-Unis d’Amérique où le président prend ses fonctions en prêtant serment au dessus de la bible, et où se trouve inscrite sur les billets de la monnaie américaine la phrase, “in God we trust” ( nous croyons en Dieu).

La laïcité est donc une notion inconnue et dont l’acquiescement n’est absolument pas évident, pour la plupart des hommes qui relèvent d’autres cultures, parce que dans celles-ci, il n’existe encore “d’ascèse” établissant la “norme” comportementale, que religieuse. Ceci, parce qu’il ne s’est pas établi dans ces cultures, comme en France à la faveur des “lumières”, puis au cours et au-delà de la révolution, cet “accord” tacite quant aux nécessités sociales et aux obligations comportementales de chacun, dans une société de liberté de conscience, avant qu’elles ne soient traduites dans la loi, établissant ainsi une nouvelle forme de “convenance”. Celle-ci fut en fait issue d’un débat dégagé de tous les dogmes religieux et de toutes traditions étatiques selon lesquelles jusqu’ici, seuls les puissants inspiraient la loi, et qui allait constituer une véritable “ascèse républicaine”.

Ce n’est finalement que dans la constitution de la quatrième république qui en 1946, se substituait à “l’état français” de Philippe Pétain de triste mémoire, que la république fut proclamée laïque, démocrate, et sociale. Ceci, pour signifier clairement que plus aucune considération d’ordre religieux, ne devait interférer avec la conduite des affaires de l’état, et que tous les citoyens se trouvaient égaux devant la loi, quelle que soit leur pratique religieuse.

Il est clair que les persécutions au prétexte religieux qui eurent lieu au cours de la deuxième guerre mondiale, justifiaient pleinement cette proclamation haut et fort, de laïcité.

Mais, paradoxalement, en reconnaissant le droit à la pratique religieuse de chacun, l’état laïc allait se trouver dans l’obligation d’organiser les conditions de cette liberté de culte, et veiller à son respect, et n’allait pas tarder à se trouver en contradiction avec lui-même. Ceci, dans la mesure où, si elles furent écartées du pouvoir, les religions n’en pas moins continué de d’imposer à leurs ouailles des règles comportementales logiques de leurs doctrines et qui, dans la mesure où elles s’adressent à des collectivités, confinent fatalement à constituer des règles sociales dont la nocivité réside dans le fait qu’elles ne peuvent être partagées par tous, et ceci, au nom d’une liberté de culte qui leur est justement garantie par la laïcité elle-même…

Nous sommes là dans le même schéma selon lequel les fondamentalistes religieux se hissent au pouvoir à la faveur de la démocratie, de sorte que leur légitimité à exercer ce pouvoir leur est incontestable, et qui l’utilisent afin de mettre justement fin à cette démocratie.

La désertion des églises allait éviter pendant quelques temps à cette contradiction de prendre trop d’ampleur. Mais l’arrivée ces dernières années du fondamentalisme religieux, qui consiste en un détournement des exigences religieuses et une exploitation outrancière de celles-ci, afin de parvenir à un résultat politique, va réactualiser le débat…

Aujourd’hui, la laïcité se trouve menacée sur deux fronts. Celui des fondamentalistes religieux qui prétendent imposer des règles sociales selon leur doctrine, ce que la laïcité leur interdit, mais au nom d’une liberté de culte garantie par cette même laïcité. Mais, il y a également le front de ceux que l’on désigne désormais comme étant les “laïcards” qui quant à eux, s’inscrivent dans une sorte de fondamentalisme passionnel parfaitement symétrique à celui des religieux et qui, dans une interprétation outrancière de l’idée de laïcité, ne se contentent pas de contenir la religion hors des affaires de l’état, mais prétendent dégager toute idée religieuse de la société tout entière, et abolir toute tradition qui serait issue même lointainement, de la pratique religieuse.

Ceci, au point de s’en prendre au fait d’un sapin de Noël ou d’une statue de la vierge dans un lieu public, du maintien dans le calendrier d’une fête religieuse, ou d’une galette des rois dans une cantine, alors qu’il s’agit là des éléments fondamentaux d’une culture qui s’est constituée justement autour d’une religion, mais qui se trouvent désormais dans un usage civil de plus en plus dégagé de leur références religieuses, et qui ne constituent en aucune façon une règle sociale à laquelle tous seraient tenus de s’obliger…

Ce détournement de l’esprit de la laïcité par les laïcards aura eu comme conséquence inattendue et extrêmement dommageable le fait que, des fondamentalistes tenant de religions différentes de la religion dominante, se sont très opportunément revêtus des mêmes habits que ces laïcards, en utilisant leur argumentaire de néant religieux. Ceci, afin de pouvoir combattre dans un premier temps, dans tous ses aspects devenus traditionnels, la religion la plus ancrée dans le pays et qui fait obstacle à leur projet, pour ensuite imposer sur un terrain rendu vierge, leurs règles dans les différents aspects de la vie sociale pour les uns, ou s’imposer à tous au nom de leur religion les faisant seigneurs sur cette Terre, pour les autres…

Si donc on en parle tant en ce moment, c’est tout simplement parce que la laïcité est devenue le paravent derrière lequel se jouent de féroces luttes pour le pouvoir…

Paris, le 6 février 2016
Richard Pulvar

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