dimanche, mai 22, 2016

ELLES SONT FEMMES, NOIRES, ET MATHEMATICIENNES… ELLES ONT JOUE UN ROLE DETERMINANT, ASSURANT LA SUPREMATIE DU PROGRAMME SPATIAL AMERICAIN…


Il était temps, plus de cinquante années plus tard, pour qu’un livre tout d’abord, qui sera publié à la fin de cette année, et un film en cours de réalisation, tiré du livre et qui sortira quant à lui en 2017, viennent enfin rendre l’hommage qui est du, à ces vaillantes…

Trois d’entre elles Katherine Johnson, Doroty Vaughan, et Mary Jackson, auront eu l’occasion d’être la clef de la réussite des programmes de lancement d’engins spatiaux habités américains, lesquels nécessitant que soient prises les plus grandes précautions, feront peser sur leurs épaules une énorme responsabilité…
L’histoire de l’une d’entre elles, Katherine Johnson, permet de prendre la mesure de l’exploit qu’aura constitué leur existence…

Elle est issue d’une famille modeste qui se trouve qui plus est, plongée au fond de la campagne américaine, et si sa mère brillante, est professeure, son père quant à lui est à peine lettré, mais ne nourrit pas moins de grandes ambitions pour ses quatre enfants, et n’est prêt à reculer devant aucun sacrifice pour leur assurer de mener une vie décente. Il souhaite donc qu’ils fassent des études…
Malheureusement en ce temps là où sévissait encore la ségrégation raciale, à la ville voisine, White Sulphur Springs, au-delà de l’école primaire, il n’existait aucun lycée ni aucune université, acceptant de recevoir des élèves noirs. Or, la petite Katherine avait fait preuves de bonnes aptitudes pour les études, de sorte que son père va utiliser ses modestes moyens pour pouvoir se trouver un pied-à-terre en Virginie, à deux cents kilomètres de chez eux, pour que durant huit ans, elle puisse aller dans un Lycée puis dans une université, pour élèves noirs, l’Université d’état de Virginie occidentale…

Durant la période scolaire, la famille se rendait en ville où le père travaillait comme serveur dans un hôtel, et en dehors de cela, ils s’en revenaient tous pour accomplir les difficiles travaux des champs, afin de pouvoir gagner davantage d’argent.

Ayant sauté plusieurs fois une classe, c’est très jeune, à l’âge de 15 ans, que Katherine fera son entrée à l’université et elle aura la chance de compter parmi ses professeurs, un des tout premiers noirs à être devenus docteurs en mathématiques, Schieffelin Claytor.

Constatant sa vivacité d’esprit celui-ci va la faire rejoindre un petit groupe restreint d’élèves auxquels il prodigue gracieusement une sorte de cours particulier, pour que ceux-ci puissent aller encore plus loin. A cette occasion il lui fera découvrir l’aéronautique, et c’est lui qui l’incitera à faire des mathématiques, son métier.

Cependant, sortie diplômée, elle se rend compte que très peu de places de chercheur sont accessibles aux femmes et surtout noires, mais elle pourra malgré cela devenir professeur de mathématiques. Une fois mariée, elle cesse de travailler, mais une maladie grave de son mari la contraint à rechercher du travail et c’est alors que la chance lui sourira sous la forme d’une annonce faite par une société d’aéronautique, recherchant spécifiquement des femmes mathématiciennes pour effectuer de laborieux travaux de calculs...
L’argument de l’annonceur pour justifier cette préférence féminine, c’est que selon lui, les hommes étaient bien trop impatients pour pouvoir effectuer ce genre de tâche…

En fait, ce qu’il faut comprendre ici, c’est qu’en ces temps là, il n’existe pas comme aujourd’hui d’ordinateurs pour pouvoir effectuer des calculs à la vitesse de la lumière. Tous les calculs se font à la main en s’aidant d’une simple règle à calcul, ce qui représente un volume véritablement astronomique de calculs, devant mobiliser une armée de calculateurs…

En réalité, ce que cherchaient ces gens, c’était tout simplement des “petites mains” féminines pour pouvoir effectuer un volume énorme de calculs fastidieux, que les hommes rechignent à faire, et en étant bien sûr moins payées que ces derniers…

A l’heure où elle postule, toutes les places sont déjà prises, mais elle ne se décourage pas et maintient sa candidature, et elle se retrouve finalement engagée un an plus tard. Ce qu’elle ne sait alors pas, c’est qu’elle vient d’être embauchée par une entreprise la Naca qui, suite au défi lancé par les Russes en 1957 avec le premier satellite artificiel de la Terre, deviendra en 1958 pour y répondre, la Nasa, dotée de très puissants moyens…

Mais nous ne sommes encore qu’en 1953, et elle se trouve embauchée pour travailler sur les trajectoires d’avions, et elle reconnaîtra qu’il y avait alors un tel travail de recherche, qu’elle n’a pas souffert de la ségrégation, les savants ayant bien d’autres chats à fouetter que de perdre leur temps à ces sottises. Cependant, s’il n’y avait pas de racisme, il y avait malgré tout une forme de sexisme car, quand en 1960 le président Kennedy annonce que les Etats-Unis envisagent d’envoyer un homme sur la Lune, toutes les pointures scientifiques veulent être de ce coup là, et à l’heure ou elle fait part de sa volonté d’en être, son supérieur lui répond que “les filles” ne sont généralement pas admises dans ces cercles…

C’est alors que sans se démonter elle lui demande carrément s’il y a une loi qui lui interdit à elle, femme, d’en être, et face à cette audace, son supérieur un peu penaud s’engage à mettre fin à cette pratique, et elle rejoint donc l’équipe…
Au sein de celle-ci elle s’attelle à des travaux de plus en plus difficiles et acquiert assez vite la réputation de produire de solides modèles mathématiques, en publiant plus de vingt cinq articles sur la question des trajectoires.
Après l’humiliation qu’aura constitué pour les Américains, l’envoi du premier homme dans l’espace par les Russes, toujours en avance sur eux, et face auquel le petit “saut de puce” d’Alan Shepard qui lui répondit, ne supportait pas la comparaison, c’est donc elle qui aura la lourde tâche et responsabilité de calculer la trajectoire du voyage du major John Glen qui, bien qu’intervenant dix mois après celui de Gagarine, mais en faisant cette fois trois tours de la Terre, allait redonner confiance aux Américains, et il en fallait surtout pas se planter…
C’est ce voyage que nous voyons ces mathématiciennes suivre à la télévision, sur l’illustration…

Sa notoriété à alors été pleinement acquise, lors du voyage vers la lune de la mission Apollo 13 en 1970, dont elle avait calculé la trajectoire. Car il y a eu un incident technique très grave dans le module de service, qui a nécessité d’annuler la mission, et de faire revenir de toute urgence les astronautes vers la Terre. Il lui a donc fallu calculer sur le champ, dans l’urgence, et surtout sans se tromper, compte tenu qu’il n’y avait pas de temps pour pouvoir procéder à des vérifications, une trajectoire de secours pour permettre aux astronautes de revenir, et beaucoup s’accordent à dire qu’elle leur a ainsi sauvé la vie…
Katherine Johnson n’a pas manqué d’honneurs et de reconnaissance dans son milieu professionnel et de la part des autorités du pays, et particulièrement de la part du président Obama. Mais il est dommage que son histoire soit jusqu’à ce jour demeurée ignorée du grand public. Car elle aurait été de nature à donner confiance et fierté à bien des jeunes issus de conditions modestes, à des femmes incertaines quant à elles-mêmes face à l’arrogance masculine, et à ceux qui souffrent des regards racistes portés sur eux…

Paris, le 22 mai 2016
Richard Pulvar

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