samedi, avril 07, 2007

M. Le Pen veut miser sur les Français d'origine étrangère

ean-Marie Le Pen s'est rendu vendredi 16 février au cimetière chinois de Noyelles-sur-Mer (Somme). Un cimetière dont peu de Français connaissent l'existence mais où sont enterrés 838 "coolies" recrutés par l'armée britannique entre 1917 et 1919. Alliée à la France pour combattre l'Allemagne, la Grande-Bretagne les avait fait venir de Chine du Nord pour s'occuper du déchargement des trains et des navires, creuser les tranchées, prendre soin des chevaux de sa cavalerie et plus tard dégager les mines. Un morceau d'histoire pour les Chinois de France auquel le président du Front national (FN) s'est adressé.

Depuis plusieurs mois, M. Le Pen n'en finit plus de faire des clins d'œil aux Français d'origine étrangère. Son premier grand geste remonte au 20 septembre à Valmy. Ce jour-là, il s'était tourné vers cet électorat pour lui demander de le rallier : "Français d'origine étrangère, je vous invite à nous rejoindre. Vous que nous avions si bien su assimiler par le passé, quand notre beau pays suscitait désir et respect, avant que les ravages de Mai 68 n'aient répandu partout la haine de ce qui est français, la détestation de l'autre et de soi", leur avait-il lancé en posant comme principe à ce ralliement l'assimilation et non l'intégration.
"Dans la mesure où vous respectez nos coutumes et nos lois, dans la mesure où vous n'aspirez qu'à vous élever dans ce pays par le travail, nous sommes prêts (...) à vous fondre dans le creuset national et républicain, avec les mêmes droits, mais aussi les mêmes devoirs", avait-il insisté.

Il a par la suite donné son aval à une campagne d'affiches mettant en scène une jeune fille martiniquaise mais dont le look évoque autant une beurette qu'une jeune métisse africaine. Et avait donné son accord à la visite de Dieudonné à la fête des Bleu-Blanc-Rouge le 11 novembre. On pouvait d'ailleurs remarquer la présence à cette même fête d'un chanteur camerounais, Patrice Nouma, venu promouvoir son disque intitulé Si tu n'aimes pas la France, sors de la France. Une première pour les frontistes, qui n'ont pas tous été séduits comme le montrait un autocollant de Terre et Peuple, une association ethniciste proche du FN qui clamait : "La terre des peuples africains, c'est l'Afrique... L'Europe, c'est la terre des Européens."

"CANDIDAT DES AFRO-EUROPÉENS"

Cela fait plusieurs années, explique Marine Le Pen, la directrice stratégique de la campagne, que le FN note l'existence d'un vote de Français issus de l'immigration en sa faveur. Mais, selon Olivier Martinelli, le directeur de cabinet de M. Le Pen, c'est depuis les révoltes des banlieues de 2005 que ce dernier est persuadé de l'existence d'un vrai potentiel électoral. Et que s'y intéresser entraînerait de toutes les façons, par ricochet, une dédiabolisation. A cette époque, il avait été frappé par un reportage dans les cités montrant une Française d'origine maghrébine se plaignant des "voyous" et affirmant qu'elle "voterait Le Pen". Depuis, l'essayiste Alain Soral, ami de Dieudonné, aujourd'hui conseiller des Le Pen père et fille, l'a également convaincu d'un vote "révolutionnaire" en sa faveur en cas de face-à-face avec Nicolas Sarkozy au second tour.

Une analyse confortée par différentes déclarations, dont celle en octobre sur France 5 du rappeur noir Rost, animateur de Banlieues actives, selon laquelle "si un second tour oppose Sarkozy à Le Pen, moi ce coup-ci, je vote Le Pen !". Ce même Rost qui, accompagné d'une équipe de son association, a rencontré, jeudi 15 février, dans le cadre d'une tournée auprès des candidats à la présidentielle Jean-Marie Le Pen. Reste toutefois pour le président du FN à transformer ce vote de "rupture avec le système" en vote d'adhésion.

Une tâche à laquelle participe Ahmed Moualek sur son site Internet La Banlieue, ainsi que Dieudonné qui ne cesse d'inviter ses fans à lire le discours de Valmy. Ce dernier s'est également fait récemment le porte-voix du président du FN auprès de la communauté antillaise en reprenant abondamment dans des conférences de presse une déclaration de M. Le Pen sur France 5 sur le fait que "depuis la révolution" en Martinique, rien n'avait changé, elle "appartient encore pratiquement totalement aux Békés". Des mots qui, aux yeux de Dieudonné, font de M. Le Pen "le candidat des Afro-Européens".

Christiane Chombeau
(c) LeMonde 17-02-07

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