jeudi, janvier 14, 2010

L’Afrique et les peuples exotiques vus par Henri-Joseph Dulaurens (1719-1793)



Par Stéphan Pascau

Le dix-huitième siècle a pu ignorer la réalité culturelle de l’Afrique, mais pas l’existence de ce continent ni celle des Africains. Quelques milliers d’entre eux séjournaient en France, serviteurs ou artisans pour la plupart, et prenaient leur part dans la vie sociale [1].
Les anciens ont pu connaître un versant de ce continent, d’après le nombre de récits se rapportant aux Éthiopiens et selon les relations des premières expéditions maritimes des Égyptiens (VIe s. av. J.-C.) [2] puis des Carthaginois (VIe-IVe s. av. J.-C.) [3]. L’Afrique a ensuite traversé une longue période de silence jusqu’au XIe siècle, où quelques nouvelles descriptions géographiques font leur apparition. À la fin du Moyen Âge, des expéditions commerciales se risquent sur les rivages de l’Afrique occidentale, mais les noirs demeurent mystérieux pour les métropolitains. Ce sont les explorateurs portugais, au XVe siècle, qui commencent à familiariser les Européens avec l’image de l’Afrique noire, faussée cependant par un regard plus rustre et intéressé que bienveillant et objectif.
La venue d’Africains ramenés par des négociants ou des militaires à la cour du roi, au XVIIe siècle, a été largement relatée et n’a pu échapper à un lecteur aussi boulimique qu’Henri-Joseph Dulaurens (1719-1793) qui, par ailleurs, connaissait ses classiques. Cet ancien abbé, moine dissident puis défroqué, est surtout connu pour ses frasques et rébellions pamphlétaires essentiellement dirigées contre les jésuites [4]. Toutefois, l’exploitation des ressources africaines, par l’implantation des fameux comptoirs, ainsi que la déportation des esclaves vers les colonies d’Amérique, ne l’ont pas laissé indifférent. D’autre part, Dulaurens était friand de cette imagerie populaire qui alimente les superstitions dont il se moquait abondamment ; une Afrique sibylline, se prêtant aux fantasmes et caricatures, n’était pas faite pour lui déplaire mais il n’a sans doute pas eu le temps d’en démêler les arcanes.

On ignore si Dulaurens connaissait l’Histoire de Louis Anniaba, roi d’Essenie en Afrique, roman paru en 1740. Il ne se réfère pas davantage à l’Histoire de Moulay Abelmeula, roman portant sur le mariage interracial, paru la même année. De même, il n’évoque pas la thèse du pasteur Ghanéen Jacobus E. J. Capitein (1717-1747), qu’il n’aurait certainement pas manqué de caricaturer. Cet Africain, ramené en Hollande en 1728, reçut une éducation universitaire qu’il mena exceptionnellement à terme et soutint que l’esclavage n’était pas incompatible avec la religion chrétienne [5] : Dulaurens a ridiculisé bon nombre de théologiens pour bien moins que cela [6].
Les nombreuses heures passées par notre auteur dans les bibliothèques ont plutôt été consacrées à un approfondissement de ses connaissances sur la religion musulmane, sur la Perse, sur les populations de l’Europe et de l’Asie. Dulaurens a cédé à la mode orientaliste. Il n’en éludait pas pour autant les questions soulevées par le principe de l’esclavage ou de l’exploitation d’autrui, principe qu’il traite au sens large, de même qu’il dénonçait l’élitisme et combattait ce que l’on appellera plus tard l’ethnocentrisme [7]. Il se contentera de brèves allusions ou de pensées politiques d’actualité pour évoquer épisodiquement les croyances et légendes que l’on attribuait à ces habitants de la Nigritie, si peu différents et d’une saine nature selon lui.
Dans le foisonnement de ses écrits, l’Africain est brièvement évoqué à travers des fictions, des citations, des notes de bas de page, ou encore dans un article proposant une réflexion sur la condition des esclaves. Le discours de Dulaurens porte essentiellement sur l’homme et sur l’image qu’il renvoie, image empreinte de préjugés, et non sur les terres africaines : l’auteur du Compère Mathieu évoque laconiquement l’Afrique du nord, ne se risque qu’à quelques allusions convenues sur l’Abyssinie, et préfère partir à la découverte des terres nordiques et asiatiques, ou bien plonger dans l’utopie de mondes imaginaires.

De nombreuses nations exotiques sont ainsi évoquées par Dulaurens : les Lapons, dans Candide, Seconde partie ou encore dans l’épître de La Chandelle d’Arras [8] ; les Amérindiens qu’il plaint en raison de l’intrusion des jésuites sur ce continent ; les sauvages des terres orientales qu’il imagine dans le Compère Mathieu. Il n’évoque directement les Africains qu’une seule fois, sous la dénomination de “nègres”, dans un article engagé figurant dans L’Arretin [9]].
Ces nations exotiques, diabolisées par l’Église lorsque les missionnaires ne parviennent pas à les convertir, trouvent grâce aux yeux de notre auteur qui se moque du regard que l’Occident porte naïvement sur les cultures étrangères. Son personnage Imirce, à la vue d’« un tableau où était peint un grand sauvage avec une longue queue, des cornes à la tête & des griffes qui parassaient [sic] de très vilaines manchettes » [10], s’interroge sur la signification d’une telle effigie :

C’est le Diable, répond Ariste, ou le Manitou (*), nous le peignons ainsi pour nous faire peur, comme les enfans, qui font des masques de papier pour s’épouvanter les uns, les autres.

L’astérisque « (*) » renvoie à une note où l’on apprend que « Les Nègres appellent le diable Manitou » [11].
Dans La Chandelle d’Arras, rédigé en même temps qu’Imirce, cette même désignation ridiculisante du dieu exotique est également mentionnée, lorsque le vieux Cassandre, effondré, reçoit la visite de la jeune et entreprenante Fanchon :

Viens-tu, dis-moi, de l’aveu d’Oïarou ? *
Ou de la part du fourbe Manitou ? ** [12]]

Les renvois donnent « Le Dieu des Nègres » pour le premier, et « Le Diable blanc de la Nigritie » pour le second. Connaissant le ton satirique et provocateur de Dulaurens, il est évident que l’auteur observait avec bienveillance les populations dites sauvages, de même qu’il appelait, à sa manière, au respect de leurs rites : ses moqueries s’adressent à la représentation qu’en font les Occidentaux.
Dulaurens n’hésite donc pas à abuser de la comparaison infamante pour mieux dénoncer, par antiphrase, les préjugés auxquels il s’oppose. On retrouve ainsi cette association fugitive de l’homme noir et du diable dans un autre texte du recueil romanesque Imirce, intitulé “La momie de mon grand-père”. L’image de l’Africain y apparaît dans une simple comparaison, où l’on identifie le nègre au diable. Le personnage narrateur, nommé Xan-Xung, transporte la très désagréable momie parlante de son aïeul ; quelques poissardes n’apprécient guère les réflexions du revenant ; l’une d’entre elles s’empare de la momie et la jette dans la Seine :

Mon Grand-père jurait, tempêtait dans l’eau comme le Tonnère dans les nues. […] Les pêcheurs voïant floter un Cadavre, entendant des cris, crûrent que c’était un négre, ils pêchèrent mon Grand-père ; aussi-tôt qu’il fut à terre il commença à jurer, les pêcheurs & le peuple attroupés fuirent en faisant des signes de croix, les bâteliers croïaient avoir pêché le diable. [13]

Injures, tempête, tonnerre et cadavre flottant... Dans la superstition populaire, il ne pouvait raisonnablement s’agir que d’un nègre mourant : la raison balayée, le diable seul l’emporte.
L’auteur se moque à l’extrême de ces préjugés populaires et l’image du diable, sous sa plume, symbolise souvent l’intolérance des hommes [14], le maître des enfers étant assurément moins terrible qu’un homme disposant d’un pouvoir. De même, l’enfer ne saurait avoir l’apparence ni la fonction qu’on lui suppose habituellement.
« Laissons ton enfer, parlons du mien, il est rempli de beautés », déclare plus loin le spectre momifié du grand-père de Xan-Xung [15]. Ainsi le diable, dans les descriptions de Dulaurens, ne sera pas ce monstre perfide et effrayant qui terrifie les fidèles, comme l’homme noir ne peut pas être porteur de toutes les damnations.

Un épisode du Compère Mathieu mène le lecteur à la découverte du palais de Lucifer. Certes, il s’agit d’une immense forteresse gardée par vingt mille loups-garous, dix mille canons, trois cent quatre-vingt-cinq gardes suisses commandés par Guillaume Tell et « 694 Diables de toutes sortes de figures, armés de griffes & de dents aigues [sic], vomissant du feu par la gueule, le nez, les oreilles & par le trou du cul » [16]]. Cependant, Lucifer ne semble pas si terrible. Il paraît séduisant et s’avère surtout niais au point de perdre son or aux cartes : ses généraux sont beaucoup plus maléfiques. Le personnage de Diego, bénéficiant d’une visite guidée des enfers, découvre alors dans la pénitence une multitude de figures historiques. L’immensité de ce lieu ressemble en tout point à celle d’un continent terrestre spéculatif, pays fertile « tel que le seroient les terres de la Domination du Pape, s’il avait le malheur d’être Huguenot, un Pays enfin tel que le seroit la F..... si tous les Maltôtiers étoient pendus » [17]. Le démon Cosbi, qui guide Diego, explique alors que l’enfer n’est autre que le reflet de la Terre avec cependant l’obligation, pour le malheureux réprouvé, « de subir pendant toute une Eternité précisement le contraire de ce qui à causé sa damnation » [18]. Ainsi, « Ces Femelles sensibles & délicates » [19] qui se donnaient en spectacle en s’évanouissant à tue-tête doivent ici supporter non seulement l’absence d’attention à leur manège mais encore « s’asseoir six heures par jour le cul nud sur un roc de glace, en but [sic] à la furie du vent du nord, des grêles & des giboulées, ou aux rayons d’un soleil aussi ardent que celui de Gingiro » [20]. Passons sur les marâtres qui sont obligées d’aimer, élever et allaiter leurs enfants ; sur les grands seigneurs « contraints de coucher avec Madame, [et] de faire eux-mêmes leurs Enfants » [21] ; sur les abbés condamnés à coucher entre deux pucelles intouchables ; etc. Nous remarquerons seulement que ce continent si fertile, en parallèle aux diableries, pourrait être l’Afrique, que les terribles généraux du diable pourraient être les rois africains qui livraient eux-mêmes les esclaves – parfois leurs propres sujets – aux négriers, et enfin que les pénitences ne symbolisent qu’un retour à une logique naturelle, le retour à l’état de nature idéalisé chez les peuples non civilisés étant une idée à la mode dans la pensée du XVIIIe siècle. Quant à l’origine du soleil ardent que doivent subir les dames de cour, elle est précisée dans une note de bas de page qui désigne Gingiro comme le « Royaume de la Caffrerie, sous la Ligne. »
La Cafrerie [22] était la terre des Bantous, située au sud de l’Équateur en Afrique centrale et méridionale, ainsi nommée par les géographes des XVIIe et XVIIIe siècles. Les régions africaines mentionnées par Dulaurens ne font pas référence à une topographie précise. Toujours dans Le Compère Mathieu, l’auteur renvoie brièvement à une autre région de l’Afrique noire, fameuse dans l’antiquité : l’Abyssinie, pour l’exemple de mœurs ou coutumes considérées comme étranges au regard des Européens. On honorait les voleurs dans ces contrées, comme on trouvait fort joli, chez les Égyptiens, d’épouser sa propre sœur [23]. Selon le même principe d’écriture référencée, Dulaurens renvoie plus loin à un passage de Plutarque en vue de dénoncer la terreur qu’inspirent les superstitions, pire selon lui que celle de « la foudre, qui habite l’Ethiopie » [24]. Enfin, il évoque furtivement ce continent en se gardant d’y pénétrer lorsque les cinq personnages formant l’équipe du Compère Mathieu, à peine revenus d’un périple oriental, embarquent à Goa, colonie portugaise située sur la côte occidentale de l’Inde, d’où ils rejoignent l’Europe en contournant l’Afrique. Le narrateur souligne alors que rien de remarquable ne se produisit durant la traversée, comme si ce continent devait conserver ses mystères et surtout sa nature, alors qu’à trente lieues de Lisbonne (environ 166 km), une tempête de nuit déroute et brise le bateau dans un terrible naufrage qui va disperser l’équipe.
Dulaurens se plaît habituellement à accentuer la peur de l’inconnu et n’hésite pas, au besoin, à jouer sur l’imaginaire géographique, mais il se garde pourtant de salir une terre qui pourrait bien receler la virginité des saines origines. Cette Afrique méconnue, Dulaurens préfère l’observer depuis les contours et en préserver le côté naturel encore intact.

Fidèle à sa technique satirique fondée sur l’exagération, la provocation, la parodie, il exacerbe toutefois cette part de mystère inquiétant qu’inspire l’étranger de morphologie différente. Lecteur avide, il prend des notes sur tout ce qui peut un jour être exploité pour ses propres écrits, pourvu qu’il y ait une part d’insolite dans le propos. Ainsi, dans son Porte-feuille d’un Philosophe [25], parmi une série d’observations portant sur la physique et la biologie en général, Dulaurens avait relevé un passage sur la noirceur des Maures (Porte-feuille, II, p. 179). On ne sait d’où il a extrait ce petit texte ni s’il l’a lui-même écrit, mais il ne s’agit que d’une note parmi d’autres, lesquelles sont sans rapports, son Porte-feuille n’étant pas, à l’origine, destiné à être publié. L’auteur y mentionne que l’épiderme des Maures « est aussi blanc & aussi transparent que dans les autres hommes. C’est la membrane réticulaire qui est noire ». Il précise alors que l’hypothèse de Marcel Malpighi, médecin anatomiste italien (1628-1694) qui imaginait la présence d’un corps glutineux spécifique chez les Africains, est fausse ; l’explication de la noirceur viendrait « peut-être, dit M. Littré, du tissu même de la membrane, & d’un air extrémement échauffé. » [26] Autrement dit, Dulaurens, qui ne se contente jamais d’une seule version scientifique, met en évidence l’absurdité ou l’aspect insignifiant d’une différence physiologique qui paraît fondamentale pour d’autres.
Juste à la suite, une autre note porte sur le lait & les Mamelles : on y apprend qu’« une jeune Négresse allaita un enfant, quoique vierge. Elle avoit présenté la mamelle à l’enfant en badinant, parce que la mere qui l’allaitoit venoit de mourir, & l’enfant pleuroit. » [27] D’autres situations insolites d’allaitement, en Europe, sont mentionnées. Puis l’auteur poursuit sa collecte de notes singulières en puisant ses informations parmi des exemples observés dans différentes nations, sans s’intéresser particulièrement à une contrée plus qu’à une autre.
L’Afrique n’est pas, pour lui, le lieu d’une curiosité distincte. À l’évidence, Dulaurens parcourait les récits de voyage anciens et modernes, à la recherche d’éléments inhabituels ou de coutumes différentes, sans que cela influence pour autant ses convictions sur la tolérance et sur le droit à la justice pour tous les hommes. L’insolite l’attirait, il n’y cherchait pas matière à élaborer ou argumenter des thèses élitistes, contrairement à nombre de ses contemporains [28]. Il ne s’interroge pas sur l’origine des noirs ni des sauvages, ne commente pas les théories de la différenciation. Pour lui, la diversité du monde est avant tout une richesse et un élément supplémentaire à opposer à l’intolérance.

Parmi ses centres d’intérêt, compilés sous forme de notes ou articles que l’on trouve dans le Porte-feuille d’un philosophe, on remarquera le chapitre qu’il consacre aux Amazones. Dulaurens constitue un dossier intitulé “Recherches sur les Amazones et leur République” où il établit un bilan sur les différentes légendes des Amazones d’Asie mineure et d’Afrique [29]. On sait que l’image de la femme guerrière ou violente le troublait. De nombreuses scènes burlesques figurent ainsi dans ses fictions : batailles de religieuses, entre elles ou contre des prélats, de harengères, d’épouses jalouses, de femmes belliqueuses, jusqu’à la parodie d’épisodes sacrés comme l’“Histoire de Madame Bernicle” [30], émanation de la Judith biblique (Septante), qui va trancher le problème en même temps que la tête de l’ennemi. L’existence des Amazones, pour Dulaurens, demeure plausible, notamment en Afrique. Après avoir résumé les chapitres consacrés à l’histoire des Amazones de Libye, par Diodore de Sicile [31], puis mentionné quelques auteurs argumentant la thèse d’une pure légende sur ces peuplades féminines, il rapporte qu’« on a vu presque de nos jours, au cœur de l’Afrique, chez les Jagas, un Etat composé de femmes, où les meres tuoient les enfans mâles, au moment de leur naissance, pour ne conserver que les filles, & où les plus braves des prisonniers de guerre n’étoient épargnés que pour devenir les esclaves des femmes. » [32] Dulaurens s’appuie sur les diverses relations ayant mentionné l’histoire de la célèbre reine Zingha (v. 1582-1663). Au moment où il prenait ses notes, les ouvrages de Castilhon et de La Porte [33], desquels s’inspirera Sade [34], n’étaient pas encore publiés et les faits d’armes de cette reine africaine demeuraient encore flous. La version légendaire d’une société de femmes angolaises ne semble en réalité issue que de l’interprétation corrompue d’un épisode mineur où s’est illustrée la reine Zingha. Celle-ci, effectivement réputée pour ses cruautés, et alors âgée de plus de quatre-vingt ans, se donna en spectacle dans un simulacre de combat avec ses dames de palais habillées en guerrières mais il ne s’agissait que d’une cérémonie [35], la reine Zingha ayant régné sur un peuple mixte et sur des armées de guerriers. Un état exclusivement composé de femmes, chez les Jagas, n’a pas existé.
Dulaurens aura toujours eu quelques difficultés à dissocier le réel et l’utopie, trop enclin à rêver un monde meilleur ou, du moins, plus proches de ses fantasmes. Ainsi, les Africains ne lui paraissant pas si différents dans le fond, il ne leur octroie aucune incapacité et les décrit volontiers en tant que civilisations concurrentes, ou bien en tant qu’individus à part entière.

Le personnage du père Jean, dans Le Compère Mathieu, raconte ses aventures de pirate le long des côtes espagnoles. Son équipe, après avoir allègrement pillé quelques églises, comptoirs et monastères, prend quatre-vingt esclaves en Catalogne, lesquels seront vendus à Smyrne [36] : Dulaurens n’a pas le réflexe de considérer, de préférence, l’esclave africain.
Imirce, jeune fille élevée dans une cave et découvrant le monde sous la conduite de son maître en philosophie, s’étonne de voir des serviteurs autour de la table :

Trois grands garçons nous servaient avec un air craintif & empressé. Je demandai au Philosophe si ces Hommes étaient ses Enfans : non, ce sont des esclaves fainéans, gâgés pour me servir : pourquoi te servent-ils ? Cette cave n’est pas comme la tienne ; les uns ont quelques bribes infiniment petites de la cave, les autres n’ont rien ; ceux, qui ont quelques lignes de terrein courbes ou plates, sont riches ; ceux qui n’en ont pas sont pauvres : ces derniers se prêtent aux besoins ou aux fantaisies des riches pour avoir de l’argent : l’argent est un métal rare & dangereux, avec lequel on se fournit de tout ce que l’on veut. [37]

Les serviteurs du maître d’Imirce ne se distinguent pas par leur origine ethnique. Notre auteur aborde l’esclavage au sens large. Pour lui, l’esclave n’est pas noir ou exotique : il est pauvre, faible, ou désigné tel par sa condition. Est esclave celui qui ne possède rien. L’asservissement vu et subi par Dulaurens est notamment illustré de façon récurrente à travers les contraintes religieuses. « Sombre Région ! Séjour des Morts ! Quand serai-je affranchis de votre esclavage » [38], se lamentait déjà le jeune auteur de La vraie origine du Gean de Douay, alors qu’il désespérait dans sa vie monacale. « Rompés ma sœur, les fers de l’esclavage : / L’homme est né libre, & s’il doit obéir / C’est à l’amour, à son cœur, au plaisir » [39], clame le monstre qui sommeille en la novice Ursule, héroïne révoltée que décrit Dulaurens dix-huit ans plus tard, dans le poème héroï-comique intitulé Le Balai.
Son regard sur l’homme en société, constant chez un auteur pourtant réputé pour son instabilité sociale et littéraire, peut être résumée par la fameuse maxime qu’il placera dans le discours de Jérôme, personnage narrateur du Compère Mathieu :

Le vaste Savoir de mon cher Maître lui a fait connoître que l’Homme en Société est tyran ou esclave, & toujours méchant » [40]

Autrement dit, l’humanité fonctionne avant tout selon un rapport de forces, qui pourrait très bien s’inverser selon les circonstances.
En effet, Dulaurens imagine, dans son article intitulé “Les Negres” (L’Arretin), que les Africains auraient pu envahir l’Europe s’ils avaient été plus odieux que nous. Aurions-nous alors été leurs esclaves ?

Le ton de L’Arretin, recueil hétéroclite, pétille de cet esprit piquant et chamarré dont Dulaurens ne se défera jamais [41]. Évidemment, on ne saurait prendre l’article “Les Negres” au premier degré : un texte qui commence par « Y a-t-il une différence entre les Dindons et les Negres ? », question qui aurait donné lieu à un débat de théologiens d’où serait sorti le proverbe “bête comme un dindon”, ne peut sérieusement entrer dans l’histoire de la pensée philosophique sans quelque hochement. C’est pourtant la technique habituelle de Dulaurens, que de susciter par le burlesque et le comique une réflexion somme toute fondamentale. Avec lui, la dérision n’est jamais gratuite. Ce texte court passe du style bouffon au dialogue satirique voltairien, en passant par la note officielle rapportée avec consternation lorsqu’elle se prétend scientifique ou théologique. Dulaurens a toujours transcrit son effarement par une écriture de type oratoire. Durant sa jeunesse au collège des jésuites, il avait déjà l’art de provoquer la fureur de ses maîtres et de s’attirer de sévères sanctions. Sa vivacité d’esprit, sa répartie incisive, son éloquence comico-théâtrale, l’ont obligé à vivre en exil et à s’enfuir après avoir livré quelque nouveau pamphlet au public. Rien ne l’aura corrigé : il était âgé de quarante-quatre ans et préparait à nouveau sa fuite lorsqu’il publia L’Arretin où figure cet article consacré à l’exploitation honteuse des Africains, employés à la production du sucre.

Connaissant le mode d’écriture de notre auteur, on peut supposer que Dulaurens s’est inspiré d’une note de bas de page lue dans le traité De l’esprit, de Helvetius, pour la rédaction de son texte :

on conviendra qu’il n’arrive point de barrique de sucre en Europe qui ne soit teinte de sang humain. Or quel homme, à la vue des malheurs qu’occasionnent la culture & l’exportation de cette denrée, refuseroit de s’en priver, & ne renonceroit pas à un plaisir acheté par les larmes & la mort de tant de malheureux ? Détournons nos regards d’un spectacle si funeste, & qui fait tant de honte & d’horreur à l’humanité. [42]

Dulaurens partait souvent d’une idée, d’un chapitre, d’une note tirée de ses lectures afin de développer sa propre réflexion. Or, Helvétius est abondamment référencé et cité dans les écrits de notre auteur.
Peut-être par hasard, Roger Mercier, dans son ouvrage consacré à l’Afrique noire dans la littérature du XVIIIe siècle, évoque l’article de Dulaurens juste après avoir signalé le commentaire (ci-dessus) de Helvétius. Selon Roger Mercier, notre auteur, qualifié de « personnage curieux », apporte une « note originale » dans le débat [43]. Mercier lui reconnaît une véhémence passionnée prenant le pas sur l’ironie corrosive, et classe Dulaurens parmi « les défenseurs des Nègres [qui] le prennent désormais de haut avec ceux qui veulent maintenir des privilèges tyranniques » [44].

Montesquieu n’était pas en reste parmi les références de Dulaurens et l’on peut comparer l’une des harangues du narrateur de L’Arretin avec un argument ironique donné dans L’esprit des lois pour comprendre que les deux auteurs parlaient le même langage :

On ne peut se mettre dans l’idée que Dieu, qui est un être très sage, ait mis une âme, surtout une âme bonne, dans un corps tout noir. (Montesquieu, L’esprit des lois) [45]

Des êtres qui ont la phisionomie aussi barbouillée que les Negres, peuvent-ils raisonner ? (Dulaurens, “Les Negres”) [46]

Dulaurens, à travers un texte sans doute trop court, semble bien avoir adhéré au combat des plus éloquents défenseur de la cause africaine.
Il se démarque en ce sens de Voltaire, qu’il considérait comme son maître à penser, et qui a laissé davantage d’écrits sur ce sujet. En effet, les positions de Voltaire n’ont pas toujours été aussi tranchées.

Dans le Candide de Voltaire, on trouve une remarque que Dulaurens a forcément partagée lorsque le héros rencontre un esclave noir du Surinam et déclare que les animaux sont mieux considérés par les esclavagistes. Si le côté humain l’emporte à travers ce type d’observation, Voltaire avait pourtant laissé paraître un certain scepticisme sur la valeur intellectuelle de ces hommes si différents. Son regard sur les Africains, dans les textes de réflexion qu’il avait jusqu’alors produits, n’était pas sans ambiguïté. Dulaurens ne s’en formalisera pas. Cela est à mettre sur le compte des divergences inavouées entre notre auteur et celui auquel il voue pourtant un culte sans retenue. La suite du conte, imaginée par Dulaurens, se déroule en Europe et en Perse : aucun personnage d’origine africaine n’y figure. Peut-être voulait-il éluder tout point de référence pouvant prêter à débat vis-à-vis de Voltaire ? L’ensemble des écrits de Dulaurens montre qu’il ne partageait pas toujours l’opinion du créateur de Candide.
Peu avant son arrestation, Dulaurens préparait un recueil de citations qui sera saisi par les autorités et qui va demeurer inédit. Voltaire y est abondamment cité, mais son disciple aura soigneusement évité de reprendre certaines des déclarations du maître lorsqu’il s’agit de définir l’Africain.

Le projet de Dulaurens, resté sous forme de manuscrit inachevé, s’intitule Dictionnaire de l’esprit. Il s’agit d’un recueil des meilleurs traits d’esprit du siècle, selon les goûts et les convictions de notre trublion des Lettres. 225 thèmes et 49 auteurs y sont abordés. Dans la liste des rubriques prévues, on trouve une page intitulée “Nègres”, où sont cités Helvetius et Montesquieu.

Lorsqu’il cite Montesquieu, dans l’ensemble de son Dictionnaire, Dulaurens se réfère souvent aux Lettres Persanes. Or, « Montesquieu, par ses Lettres Persanes (1721), est le premier écrivain à témoigner une connaissance étendue des ouvrages relatifs à l’Afrique » [47]. On peut supposer que Dulaurens a emprunté à Montesquieu l’image burlesque du diable blanc des Africains [48]. Pourtant, notre auteur ne notera rien des Lettres Persanes dans sa rubrique consacrée aux “Nègres”. En revanche, il retient l’intégralité du chapitre 5 de L’esprit des lois, intitulé “De l’esclavage des nègres” (Livre XV) : les neuf maximes de Montesquieu sont reproduites quasi textuellement dans le Dictionnaire de l’esprit.

Helvetius, longuement loué dans les précédents ouvrages de notre auteur, est cité dans le Dictionnaire de Dulaurens pour De l’Esprit. Une particularité du recueil de Dulaurens est que l’auteur ne respecte pas toujours le texte original qu’il reproduit, et s’octroie parfois le droit de compléter ou agencer la pensée de ceux qu’il cite, soit par souci de clarté, soit selon sa propre lecture. Il place ainsi une vue personnelle à la suite d’un passage de Helvétius, invitant alors le lecteur à réfléchir avec lui :

Si l’Église & les Rois permettent la traite des Négres, si le Chrétien, qui maudit au nom de Dieu celui qui porte le trouble & la dissension dans les familles, bénit le négociant qui court la Côte d’Or ou le Sénégal, pour échanger contre des Négres les marchandises dont les Africains sont avides, si, par ce commerce, les Européans entretiennent sans remords des guerres éternelles entre ces peuples, que devons-nous conclure de l’évangile. [49]

Une telle conclusion interrogative (que nous reproduisons en italique) n’apparaît pas dans la réflexion d’origine, où Helvétius poursuit son assertion par une subordonnée causale expliquant que le pouvoir monarchique et religieux considère les peuples dans leur état primitif. Les rares occurrences des mots “évangile” ou “Écriture” figurant dans l’ouvrage de Helvétius n’apparaissent pas sous forme de question directe ou indirecte.
Il faut en conclure que le regard que portait Dulaurens sur la condition des Africains réduits en esclavage était d’autant plus indigné que la contradiction entre les agissements humains et les références bibliques était flagrante. Se prétendre chrétien et maintenir le principe de l’esclavage, sous prétexte d’élitisme, n’était pas acceptable : cela constituait un argument supplémentaire pour remettre en cause l’omnipotence du pouvoir religieux.

Le regard de Dulaurens est lucide et critique envers « l’état d’esprit existant à l’égard de l’Afrique au début du XVIIIe siècle : pas d’hostilité de principe, une curiosité excitée par la découverte de toutes les particularités de ce continent, mais l’impossibilité de se défaire du parti pris que tout ce qui est différent des mœurs européennes est contraire au bon sens » [50]. Sa révolte contre l’égocentrisme des religions et des civilisations, ou plus largement contre la pensée à sens unique, montre combien il détestait le principe de l’abus de pouvoir et l’idée de classification des peuples et des hommes.

L’Arretin, seul ouvrage où l’auteur s’engage en faveur de la reconnaissance des Africains à travers un texte court, a obtenu un petit succès de scandale, mais surtout dû à des articles graveleux et anticléricaux. Le livre a bénéficié d’une quinzaine de rééditions avant la Révolution et sera réédité cinq fois au XIXe siècle. Contestataire, audacieux mais isolé, cet ouvrage s’inscrit parmi les productions clandestines fort nombreuses dans lesquelles les idées les plus tenaces du moment, religieuses ou politiques, étaient remises en cause avec force. L’auteur prêche pour la tolérance, pose des questions de société, combat les préjugés, mais se risque également à l’expression de ses fantasmes et expose ses rêves les plus farfelus, au risque de passer parfois pour un auteur obscène. On ne peut s’empêcher de classer la démarche, même brouillonne et dispersée, au rang des écoles marginales qui suscitèrent l’esprit dissident de la future Révolution. La pensée de Dulaurens sur la condition des Africains déportés et sur l’attitude des colonisateurs, quoique peu exprimée, est sans ambiguïté : l’auteur a toujours milité pour le respect d’autrui, pour la liberté de mouvement et d’expression, contre toute forme de hiérarchisation, d’exploitation, de cloisonnement des hommes ou de la pensée. Il est demeuré constant sur ce point, malgré l’éclatement apparent de son écriture et le droit à l’auto-contradiction qu’il revendique avec insolence et raisonnements dans son Compère Mathieu.

Dulaurens a fait partie des précurseurs en matière de revendication libertaire, de féminisme, d’éducation libre, d’affranchissement du roman ; il aurait pu également figurer parmi les pères de l’abolitionnisme et peut-être davantage, si le propos l’avait occupé au moins autant que sa lutte contre l’église et les préjugés. Reste à savoir si son regard est réellement représentatif de l’ensemble des écrits clandestins du siècle.

Ouvrages cités :

Jean-Louis CASTILHON, Zingha, reine d’Angola, histoire africaine, Paris, Lacombe, 1769.
HELVETIUS, De l’esprit, Paris, Durand, 1758.
Léon-François HOFFMANN, Le Nègre romantique. Personnage littéraire et obsessions collectives, Paris, Payot, coll. “Le regard de l’Histoire”, 1973.
Joseph de LA PORTE(l’abbé), Le Voyageur françois, ou la Connoissance de l’Ancien et du Nouveau Monde. Mis au jour par M. l’abbé Delaporte, Paris, Louis Cellot, 1771-1772, t. XIII-XV.
Roger MERCIER, L’Afrique noire dans la littérature française. Les premières images (XVIIe-XVIIIe siècles), Université de Dakar, Faculté des Lettres et Sciences Humaines, Publications de la section de langues et littératures, n° 11, 1962.
MONTESQUIEU, Lettres Persanes, 1721 ; L’esprit des lois, 1748.
Stéphan PASCAU, Henri-Joseph Dulaurens (1719-1793), Réhabilitation d’une œuvre, Paris, Champion, DHS 109, 2006.
Kwesi Kwaa PRAH, Jacobus Eliza Johannes Capitein 1717-1747. Etude critique sur un Africain du XVIIIe siècle, Paris, Présence Africaine, 2005.
Annie RIVARA, “Esprit encyclopédique déconstruit et narrations décomposées, L’Arrétin (sic) Moderne de Du Laurens (1763)”, article à paraître dans le recueil Écriture romanesque, Écriture Encyclopédique, sous la direction de S. Albertan-Coppola et M. Descargues-Grant.
Donatien-Alphonse-François de SADE, Aline et Valcour, 1793.
Erick NOËL, Etre noir en France au XVIIIe siècle, Paris, Tallandier, 2006

Ouvrages d’Henri-Joseph Dulaurens mentionnés :

La vraie origine du Géan de Douay, en vers françois. Suivie d’un Discours sur la Beauté, où l’on fait mention des Belles de cette Ville. Par Monsieur…, s. l., s. n. [1743, Douai, imp. Jean-François Leclercq]
Candide, ou l’Optimisme. Traduit de l’allemand de Mr le docteur Ralph. Seconde partie, s. l., s. n., 1760.
Le Balai. Poëme héroï-comique en XVIII chants, A Constantinople [Amsterdam], De l’Imprimerie du Mouphti, 1761.
L’Arretin, A Rome [Amsterdam], Aux dépens de la Congrégation de l’Index, 1763.
La Chandelle d’Arras, poëme héroï-comique en XVIII chants, A Bernes, Aux dépens de l’Académie d’Arras, 1765 ; Paris, Egasse, Chaumerot & Delance, 1807.
Imirce, ou la Fille de la Nature, A Berlin, Chez l’Imprimeur du Philosophe de Sans-Souci, 1765.
Dictionnaire de l’esprit, manuscrit inédit, écriture interrompue en décembre 1765.
Le Compère Mathieu, ou les Bigarrures de l’esprit humain, A Londres, Aux Dépens de la Compagnie, 1766.
Le Porte-feuille d’un Philosophe, ou mélange de pièces philosophiques, critiques, satiriques et galantes, &c, A Cologne, Chez Pierre Marteau (imprimeur), 1770.
ps: Illustration : Jacobus E. J. Capitein. Article paru dans C. Gallouët, D. Diop, M. Bocquillon et G. Lahouati (eds.), L’Afrique du siècle des Lumières : savoirs et représentations, Voltaire foundation, Oxford, 2009 et reproduit ici avec l’aimable autorisation de la Voltaire foundation d’Oxford.
notes:

[1] Voir Erick Noël, Etre noir en France au XVIIIe siècle, Paris, Tallandier, 2006.

[2] Voir Hérodote, Histoires, liv. IV, ch. 42.

[3] Voir Pline l’Ancien, Histoire naturelle, liv. II, ch. LXVII, § 169.

[4] Les missionnaires jésuites, quasi inexistants sur le continent africain au profit de représentants d’autres ordres, ont notamment été la cible de Dulaurens dans Les Jésuitiques, paru peu après l’arrêt du Parlement de Paris du 2 août 1761 qui condamnait la Compagnie de Jésus. En parallèle à ce libelle diffamatoire, l’auteur développe dans ses notes de bas de page une extravagante épopée des missionnaires jésuites au Paraguay. Dans d’autres ouvrages, il met en scène les déboires des missionnaires en Orient.

[5] Voir Kwesi Kwaa Prah, Jacobus Eliza Johannes Capitein 1717-1747 : étude critique sur un Africain du XVIIIe siècle, préface de Dieudonné Gnammankou, trad. du l’anglais Brigitte Angays, Paris, Présence Africaine, 2005.

[6] Dulaurens excellait dans le portrait caricatural. Abraham Chaumeix, Fréron ou le père Duplessis en ont fait les frais dans des proportions remarquables et l’on ne compte pas les auteurs, notamment religieux, fustigés au fil de ses nombreuses digressions littéraires. L’auteur a pourtant vécu un temps en Hollande mais il semble bien n’avoir jamais eu le loisir de s’insurger contre les théories de Capitein.

[7] Étymologie anglaise 1906 (Le Robert).

[8] Dulaurens est bien l’auteur de la première suite, publiée en 1760, du célèbre conte de Voltaire : Candide, ou l’Optimisme. Traduit de l’allemand par M. le docteur Ralph. Seconde partie, s. l., s. n., 1760. Le Candide de Dulaurens embarque pour la Norvège où il se fait bastonner et dépouiller par des Lapons offensés. Il avait refusé d’honorer l’épouse de leur chef (chap. XI). Les philosophes Lapons de La Chandelle d’Arras incarnent, par leurs répliques au missionnaire, la sage voix de la nature. – Pour la bibliographie précise de Dulaurens, Voir Stéphan Pascau, Henri-Joseph Dulaurens (1719-1793), Réhabilitation d’une œuvre, Paris, Champion, DHS 109, 2006.

[9] L’Arretin, “Les Negres”, A Rome [Amsterdam], Aux dépens de la Congrégation de l’Index, 1768, 2 parties en 2 vol., part. 1, p. 66-72. [Éd. originale : 1763

[10] Imirce, “Imirce, ou la Fille de la Nature”, Berlin, Chez l’imprimeur du philosophe de sans-souci, 1765, p. 131.

[11] Ibid.

[12] La Chandelle d’Arras, poème en XVIII chants. Nouvelle édition, précédée d’une notice sur la vie et les ouvrages de l’auteur et ornée de 19 planches, Paris, Egasse, Chaumerot & Delance, 1807 (188 p. in-8°), IX, v. 96-97, p. 85. [Il existe deux autres éditions in-12, ainsi qu’une possible in-16 de la même année, du même imprimeur et présentant de légères différences. (Éd originale : 1765)

[13] Imirce, éd. cit., p. 321.

[14] Ainsi, « La crainte du Diable est toute la religion qu’on nous inspire dans notre Province », s’attriste Babet dans Imirce avant de s’empresser de surpasser ses peurs. (Imirce, “Histoire de Babet”, éd. cit., p. 189)

[15] Imirce, “La Momie de…”, éd. cit., p. 274.

[16] Le Compère Mathieu, ou les Bigarrures de l’esprit humain, A Londres, Aux Dépens de la Compagnie, 1766a (3 t. en 3 vol. in-8°), t. I, p. 358. [Pour cette édition originale, il existe au moins une contrefaçon d’époque (1766b) à la pagination différente

[17] Op. cit., t. I, p. 368-369. – Le mot « France » sera écrit en toutes lettres dans les éditions ultérieures.

[18] Op. cit., t. I, p. 372.

[19] Ibid.

[20] Op. cit., t. I, p. 373.

[21] Op. cit., t. I, p. 373-374.

[22] Cafres vient d’un mot arabe qui signifie infidèles.

[23] C.M., éd. cit., t. II, ch. 1, p. 37.

[24] Op. cit., t. III, ch. 19, p. 181. La citation est extraite de Plutarque, Traité de la superstition.

[25] Dulaurens, poursuivi pour la publication d’Imirce et de La Chandelle d’Arras à Liège, prend la fuite et est arrêté à Francfort le 31 décembre 1765. Il est ensuite livré à l’Inquisition qui le condamne à la prison à vie. Son Porte-feuille a vraisemblablement été dissimulé puis publié plus tard par son ami Jean-Baptiste Robinet : Le Porte-feuille d’un Philosophe, ou Mélange De Pièces Philosophiques, Politiques, Critiques, Satyriques & Galantes, etc., Cologne, chez Pierre Marteau, Fils, 1770 (6 vol.).

[26] Le Porte-feuille…, éd. cit., vol. II, p. 179.

[27] Ibid., p. 179-180. L’extrait proviendrait de « Rép. des Lettres. Octobre 1686. »

[28] « Ce n’était pas une simple curiosité géographique qui animait les savants du début du XVIIIe siècle à rechercher les observations nouvelles sur les peuples exotiques. Le désir de connaître se doublait chez eux du désir de trouver dans les faits une confirmation aux systèmes qu’ils avaient formés sur l’histoire de l’humanité. » (Roger Mercier, L’Afrique noire dans la littérature française. Les premières images (XVIIe-XVIIIe siècles), Université de Dakar, Faculté des Lettres et Sciences Humaines, Publications de la section de langues et littératures, n° 11, 1962, p. 68.)

[29] Le Porte-feuille…, éd. cit., vol. I, p. 68-80.

[30] L’Arretin, éd. cit., part. II, p. 25-31.

[31] Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, livre III, ch. LII-LV.

[32] Le Porte-feuille…, éd. cit., vol. I, p. 79-80.

[33] Jean-Louis Castilhon, Zingha, reine d’Angola, histoire africaine, Paris, Lacombe, 1769 ; (l’abbé) Joseph de La Porte, Le Voyageur françois, ou la Connoissance de l’Ancien et du Nouveau Monde. Mis au jour par M. l’abbé Delaporte, Paris, Louis Cellot, 1771-1772, t. XIII-XV.

[34] Voir l’épisode d’Aline et Valcour, Lettre 35, dans Sade, Œuvres, éd. M. Delon, t. 1.

[35] Cette anecdote est racontée par Cavazzi dans sa Descrizione.

[36] C.M., éd. cit., t. I, ch. 10.

[37] Imirce, éd. cit., p. 102-103.

[38] La vraie origine du Géan de Douay, en vers françois. Suivie d’un Discours sur la Beauté, où l’on fait mention des Belles de cette Ville. Par Monsieur…, s. l., s. n. [1743, Douai, imp. Jean-François Leclercq], p. 46.

[39] Le Balai, A Constantinople [Amsterdam], De l’Imprimerie du Mouphti, 1761, I, v. 154-156.

[40] C.M., éd. cit., t. II, p. 203-204.

[41] Voir l’article d’Annie Rivara, “Esprit encyclopédique déconstruit et narrations décomposées, L’Arrétin (sic) Moderne de Du Laurens (1763)”, à paraître dans les actes du colloque Écriture romanesque, écriture Encyclopédique, sous la direction de Sylviane Albertan-Coppola et Madeleine Descargues-Grant.

[42] Helvetius, De l’esprit, Paris, Durand, 1758, I, 3 (“De l’ignorance”), p. 25, note (e). – Dulaurens avait également lu Montesquieu, qu’il cite dans son Dictionnaire de l’esprit : « Le sucre seroit trop cher, si l’on ne faisoit travailler la plante qui le produit par des esclaves », la phrase étant extraite de L’esprit des lois, livre XV, ch. 6, “De l’esclavage des nègres” (1748). – Léon-François Hoffmann propose un bref historique de cette réflexion (le sucre entaché de sang) dans Le Nègre romantique. Personnage littéraire et obsessions collectives, Paris, Payot, coll. “Le regard de l’Histoire”, 1973, p. 113-114.

[43] R. Mercier, op. cit., p. 99-100.

[44] Ibid., p. 99.

[45] Livre XV, 5, “De l’esclavage des nègres” (1748).

[46] L’Arretin, éd. cit., I, p. 67.

[47] R. Mercier, op. cit., p. 74.

[48] « Je ne suis pas surpris que les nègres peignent le diable d’une blancheur éblouissante et leurs dieux noirs comme du charbon » (Lettres Persanes, Lettre LIX. Rica à Usbek, à***).

[49] D.E., f° 314, rubr. “Nègres”. Les pièces du procès de Dulaurens en Allemagne sont conservées aux Archives Diocésaines de Mayence. L’ensemble est constitué de 762 folios répartis en 368 folios d’actes du procès et 394 folios du Dictionnaire de l’esprit resté sous forme manuscrite : Dom und Diözesanarchiv Mainz, Alte Kästen Nr. K 47/47 (Akte 50 pour le Dictionnaire). – Extrait de Helvétius, De l’esprit, Paris, Durand, 1758, Discours III, 4, p. 279.

[50] R. Mercier, op. cit., p. 68.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire