vendredi, mars 01, 2013

Sur les traces des indemnisations payées aux propriétaires d'esclaves dans les Caraibes anglaises


Lorsque le Royaume-Uni a aboli l'esclavage en 1833, le gouvernement de l'époque a versé 20 millions de livres en indemnisation - pas aux esclaves, mais à leurs propriétaires. La route par la suite empruntée par cet argent a été suivi par une équipe d'historiens de l'UCL, dont le nouveau site, Legacies of British Slave Ownership, a été lancé mercredi dernier.

Basé sur le travail de l'historien Nick Draper - qui a passé trois ans à effectuer des recherches sur le nom de chaque propriétaire d'esclaves dans les Antilles britanniques au moment de l'abolition de l'esclavage - l'équipe de l'UCL a mis trois ans de plus à suivre les traces de l'argent à partir du moment de l'indemnisation. On espère ainsi faire la lumière sur l'impact réel de l'esclavage sur l'histoire du Royaume-Uni dans tous les domaines de la vie, en voyant les impacts immédiats physiques, culturels, artistiques, politiques et autres effets de cet argent.

Dans un entretien avec Wired.co.uk, le chercheur Keith McClelland affirme que ''40 à 50% [des £ 20m] sont restés au Royaume-Uni, et ont été distribué à environ 3.000 personnes. En tout près de 47.000 personnes ont reçu une indemnisation, donc, le montant d'argent resté en Grande-Bretagne était disproportionné par rapport au nombre de demandeurs. Certains ont reçu beaucoup d'argent, mais il y aussi des gens ordinaires issus de la classe moyenne qui ont fait des réclamations pour des sommes relativement peu élevées par rapport au total. Ce qui est intéressant c'est que, si on regarde l'ensemble des réclamations, dans les Caraïbes environ 40 à 50 % des requérants étaient des femmes. Il y a cette histoire selon laquelle les femmes ne possédaient aucuns biens, mais en réalité, il y avait un nombre important de femmes qui possédaient des esclaves comme biens. Environ 25 % des personnes ayant reçu des compensations en Grande-Bretagne étaient des femmes. "

Le paiement 20 millions de livres représentait 40% du budget du gouvernement britannique de l'époque, et correspont à environ £ 16,5 Milliards de Livres Sterlings d'aujourd'hui. Une personnalité de taille ayant reçu la compensation était George Hibbert, l'un des fondateurs de la Compagnie des Indes occidentales, qui a reçu plus de £ 63.000 Livres Sterlings pour 19 réclamations - un montant équivalent à plus £ 49 millions en argent d'aujourd'hui. John Gladstone, le père du premier ministre William Gladstone en était un autre, qui a reçu plus de £ 105.000 (livres sterlings) pour ses neuf réclamations, soit plus de £ 83 millions de livres Sterlings i l'attribution se faisait aujourd'hui. Il a investi une bonne partie de cet argent dans les chemins de fer à travers le Royaume-Uni, de même que pour fiinancer la construction du Liverpool Collegiate Institution, dont une partie subsiste aujourd'hui à travers l'école indépendante Liverpool College. Hibbert a accumulé une immense collection d'art, dont les œuvres d'artistes comme Rembrandt et Rubens, et également fortement agrandi sa maison de campagne sur ses terres, dans le Hertfordshire, un bâtiment qui subsiste encore aujourd'hui.

''Le business de l'esclavage fait partie des fondations de la Royal Bank of Scotland, mais il y a de nombreuses compagnies qui y sont liées d'une manière ou d'une autre'', indique McClelland. ''De nombreuses entreprises de la City (Londres) -. Beaucoup de gens qui mettent leur argent là où on peut voir où ça va ne le mettent pas dans l'économie industrielle, des choses comme le coton, mais plutot dans l'assurance et le transport, des choses comme ça". Une grande partie de l'argent fut investi dans les chemins de fer, neufs à l'époque, qui ont été fondamentaux dans la révolution industrielle - c'est peut-être difficile de prétendre qu'il n y pas eu une seule personne en Grande-Bretagne qui n'ait pas bénéficié de cet investissement.

Retracer ces informations a été un défi - si le site présente les dossiers complets de toutes les personnes ayant reçu une indemnisation du gouvernement, McClelland affirme qu'il a été difficile de recouper ces archives avec d'autres disponibles. ''Idéalement, on ferait cela avec des documents financiers, mais évidemment, ils sont inexistants pour 99% de la population, mais il y a des sources comme la London Gazette où on peut retrouver les gens qui investissent dans les banques et dans les compagnies d'assurance. Les compagnies de chemins de fer ont publié des listes de personnes qui ont investi dans les chemins de fer dans les années 1840 et on peut les retracer. Parfois, on ne peut pas être sûr qu'il s'agit de la même personne, mais on peut être raisonnablement confiant. "

"Une des choses que nous avons fait ce sont des ateliers publics dans plusieurs villes de Grande-Bretagne lors desquels des gens nous sont venus en aide - on a eu des historiens de la famille, des gens qui étaient intéressés, soit parce qu'ils avaient des ancêtres qui étaient esclaves, ou des gens dont les ancêtres étaient des propriétaires d'esclaves. Nous voulons que ce soit une ressource publique et à laquelle les gens puissent contribuer. " Il ya un dispositif sur le site internet pour ceux qui veulent faire des corrections ou des ajouts. La base de données du site a été conçue par McClelland, et construite par le web designer Mark Hadley.

''Nous voulons qu'elle soit complète, en particulier pour les propriétaires absents vivant à l'extérieur de la Grande-Bretagne, mais est-ce possible? Probablement pas'', affirme M. McClellan. "Certaines de ces personnes sont très obscures. Parfois, essayer de trouver les détails les plus élémentaires - Dates de naissance et de décès, de résidence - est très difficile Ce n'est pas exhaustif en ce qui concerne les héritages. Les héritages culturels, les collections de livres ou d'oeuvres d'art, c'est vraiment quelque chose qui prend énorméement de temps à faire. Il ya aussi l'héritage impérial -. il y a des gens qui sont partis de l'empire en tant qu' hommes d'affaires, administrateurs et dont les familles vivent désormais en Australie, au Canada ou n'importe où''.

Parmi les résultats les plus surprenants, on retrouve cette omniprésence de la possession d'esclaves à travers la société britannique. McClelland affirme que ''Beaucoup de gens pensent, à juste titre, à Londres, Bristol, Liverpool comme les grands centres d'esclaves à cause de la traite négrière, mais le commerce des esclaves est réparti sur toute la Grande-Bretagné Il y a des gens en Écosse, dans le nord-Est. On ne s'attendait pas à une répartition e cette ampleur, c'était généralisé. "

En rendant cette information plus facilement accessible, on espère que cela aidera les gens à mieux comprendre de quelle manière l'esclavage est associé à l'économie britannique des années 1800 et à son histoire. Alors qu'il est relativement facile de repérer la première génération des indemnisations, "une fois qu'on se retrouve au niveau des enfants et des petits-enfants des personnes ayant reçu de l'argent, on ne peut pas les retracer, c'est tellement diffus", indique M. McClellan.

"Nous pensons que probablement 10 à 15% des élites les plus riches étaient connectées au business de l'esclavage. Cela a des effets multiplicateurs et à un point, on ne peut pas dire que c'est une conséquence directe de l'esclavage ou de l'argent de l'esclavage. Si on regarde un endroit comme Liverpool dans les années 1840, il y a une injection de capitaux dans l'économie de la ville et dans l'ensemble de l'Économie du Lancashire à cette période qui provient de l'argent de l'indemnisation. Mais il ya une contribution beaucoup plus large du business de l'esclavage sur l'impact de sucre moins cher sur les niveaux de vie de la classe ouvrière, ce qui a des conséquences sur le coût de production, et qui explique pourquoi la Grande-Bretagne est mieux placée que, disons, la Chine pour s'industrialiser durant la même période. "

Il poursuit: ''Cela est lié aux débats actuels sur le programme d'enseignement de l'histoire dans les écoles. Michael Gove propose un programme très étroit d'esprit pour les enfants.Ce que nous disons à faire ce genre de travail, c'est que on ne peut pas penser à l'histoire britannique de cette façona. L'histoire britannique est connectée à l'esclavage, à l'Inde, tà l'ensemble de l'histoire de l'Empire. L'histoire impériale a des conséquences sur le type de société que nous sommes. Ce n'est pas séparé. Il ne s'agit pas simplement de faire savoir aux enfants noirs q'ils ont des ancêtres qui ont peut-être été esclaves, cela nous concerne tous, de savoir que cet héritage fait partie du tissu de la société britannique. Les gens ont besoin de comprendre cela. "

Jan Steadman

Traduit de l'Anglais par Guy Everard Mbarga http://guyzoducamer.afrikblog.com

http://www.wired.co.uk/news/archive/2013-02/27/slavery-database-goes-live?page=all

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