mercredi, décembre 12, 2007

L’histoire des Indiens dans les Amériques françaises à la fin du XVII e et XVIII e siècle, ainsi que leur relation par rapport au droit.


L’image de l’Indien, telle qu’elle fut véhiculée par les chroniqueurs, les gazettes, ainsi que par les correspondances privées, c’est-à-dire par les vainqueurs, par ces hommes qui se prétendirent, irrévocablement, porteurs de la « seule » foi et de la « seule » civilisation, dépeint un être impitoyable, féroce, sanguinaire et cannibale : « Ces terres qu’on appelle Nations Alouagues, lesquels sont continuelles guerre contre les Barbares Galibis et nos Sarazins ou cruels Sauvages Caraïbes : guerre entre ces infidèles si étrange et inhumaine que, se prenant les uns ou les autres dans l’attaque, c’est grand bonheur quand on ne sert point de curée et que l’on n’est point mangé des vainqueurs, vu que ces idolâtres tirent avantage de se gorger de leurs ennemis et de dévorer leur chair comme la viande la plus délicate du monde, après l’avoir boucanée et grillée vive sur les charbons, dans une assemblée solennelle.» Et pour toute une génération d’antillais, (qui dans une perspective historique, généalogique et culturelle est liée de manière directe à cette population.) la connaissance de la nation indienne, ne se résume qu’à une série d’images force, se traduisant par celle d’une : résistance farouche des Caraïbes à la colonisation, leurs suicides collectifs en se précipitant du haut des falaises, quand ils furent acculés et leur anthropophagie « supposée ou réelle » d’où, la persistance dans l’inconscient de ces images tronquées, inhérentes à la Découverte des Indes Occidentales, relayées par les Chroniqueurs et perpétuées par les livres d’histoire : du méchant Caraïbe et accessoirement, celui du bon Arawak ; perçu à tort ou à raison, comme un être craintif, doux et hospitalier. Ce que semble démentir Rochefort dans sa relation des isles de Tabago : « Cette île était autrefois possédée par les Caraïbes de même que les autres Antilles de l’Amérique, mais il y a environ un siècle, qu’ils ont abandonné tout les beaux et grands village qu’ils avaient pour se mettre à couvert des irruptions trop fréquentes des Arouagues, leurs ennemis du continent et se retirer à l’isle de Saint Vincent auprès de ceux de leur nation qui y habitent, et en laquelle ils avaient dès lors les principales forces de leur état, de même qu’elle sert à encore à présent de rendez vous à leurs troupes, quand ils ont résolu de faire des descentes dans les terres des mêmes Arouagues, avec lesquels ils ont une guerre immortelle.» A la lecture de l’extrait de la Relation de l’isle de Tabago, l’image du pacifique Arouague se trouve un peu écornée.

Mais, nous est-il loisible de confiner le passé de la nation indienne, uniquement à une posture « victimisante » où les désagréments de l’histoire, semblent le cantonner ? Ne pouvons-nous imaginer, que même dans le contexte d’oppression extrême, que fut la colonisation et l’Esclavage, la rencontre de l’Indien, du colon et du nègre esclave ait éventuellement pu créer des interactions ? Certes, me direz-vous, ils se sont confrontés la plupart du temps, mais il est possible, qu’ils aient pu vouloir construire un espace de vie commun.

Vous conviendrez qu’à ce stade de l’étude, ces interrogations ne sont que des conjectures ; si on se réfère au postulat colonial affirmant que : tous les non-blancs sont des êtres inférieurs par nature et l’Indien un sauvage, il nous paraît difficile que la rencontre ait pu produire un ferment civilisateur. Mais que l’Indien fût considéré comme un sauvage, il n’en était pas moins homme avec des droits intrinsèques liés à sa personne ou qu’il fût réduit à l’état de bête, à l’instar du nègre esclave (à qui fut dénié toute humanité), il s’insérait tout de même dans un carcan juridique qui régissait sa personne, ses actes et sa volonté.

Dans l’hypothèse que l’Indien fut assimilé à une chose, le droit coutumier féodal, le considérait comme immeuble par destination, puis en 1658, comme meuble ; en 1684, toujours comme meuble, quoique insaisissable. Enfin en 1685, le droit venant sanctionner le fait, le Code Noir en faisait des meubles et leur appliquait la législation en vigueur aux biens mobiliers. Sur ces questions, remarquons tout de même, que la jurisprudence concernant les nègres esclaves, n’a jamais été fixée, jurisprudence qui eut été appliquée aux Indiens, dans l’éventualité qu’ils fussent considérés comme des choses en droit français.

Il s’avérera que notre principale préoccupation, tout au long de cette analyse, sera de connaître de quelle manière, le droit français appréhendait la condition civile de l’Indien. Quel statut juridique s’appliquait à sa personne ? Jouissait-il d’une personnalité civile et morale ? Était-il considéré comme un meuble ou comme un immeuble ou encore, était-il en dehors du droit français ?

Afin de répondre à notre questionnement initial, nous nous intéresserons aux Indiens des grandes et petites Antilles dans un premier temps, ensuite aux relations que les Caraïbes entretinrent avec les colons, puis nous répondrons aux questions juridiques et enfin nous porterons un bref regard sur la situation actuelle des descendants des caraïbes dans les Amériques.

Pour ce faire nous nous référerons aux décisions des Conseils Souverains, aux ordonnances royales et aux lettres ou recommandations ministérielles. En outre, nous nous appuierons sur les textes des chroniqueurs et les ouvrages d’historiens contemporains. Toutefois, une précision s’impose, l’objet de ce mémoire n’a pas pour principal objectif, de retracer la totalité de l’histoire des habitants et les Indiens, dans le contexte de la colonisation des Amériques françaises.

Les Origines à la destruction : les Ciboneys, Arawak et Caraïbes

On suppose que les premiers habitants des Antilles furent les Ciboneys. Il y a sept milles ans, ils se seraient installés sur les côtes vénézuéliennes et par bornage auraient gagné les Grandes Antilles. La découverte de pierres polies en Guadeloupe, fait croire que les Ciboneys auraient pu conquérir les Petites Antilles. Cependant, les fouilles effectuées et les recherches entreprises en Guadeloupe, n’ont jusqu’à présent donné aucun résultat probant.

Ce qui semble établi, les nations indiennes de langues Arawak et Caraïbe ayant peuplé les Grandes et Petites Antilles seraient originaires, soit des confins des Andes à l'Amazonie, soit des îles Caraïbes et d'Amérique Centrale atlantique ; la seconde hypothèse semble faire consensus. Dans ce cas, les migrations se seraient étalées sur des siècles, voire des millénaires, et lors de l’invasion européenne, ces populations auraient reflué vers le continent, trouvant refuge dans la forêt amazonienne.

Dans l’hypothèse que les Indiens soient venus des forêts amazoniennes : « C’est le manioc amer et sa culture qui régissait leurs attitudes. Au moment de quitter cette forêt du continent pour traverser le premier bras de mer qui les séparait de Trinidad, le support culturel existait déjà. Les réalités, qui se greffent à la culture du manioc, les avaient obligées à se rassembler par groupes relativement nombreux, séparés par de larges espaces de forêt, qui permettait l’existence de vastes zones de chasse, dont l’exploitation, par les uns et les autres, était parfaitement définie. » La présence des Arawak est reconnue plus ancienne et plus conséquente dans les îles Caraïbes. Toutefois, nous remarquons que leur système agricole différait de celui décrit précédemment.

Les Arawaks introduisirent un système cultural complexe : la technique du conuco, qui consistait à cultiver sur des monticules de terre rapportée, une association de différentes espèces végétales. Des recherches menées dans les forêts tropicales humides de l'Amérique centrale, ont mis en exergue ce type d'agriculture. Le principe permettait de maintenir la terre humide aérée. Les monticules étaient ceints de canaux d'irrigation, où l'eau et les sédiments provenant des monticules s'y déposaient. Dans ces canaux, ils élevaient des poissons, des écrevisses, tout en cultivant des plantes aquatiques à croissance rapide, riche en azote. A des périodes régulières, les canaux sont curés, les alluvions et plantes récupérées, servant par la suite de fertilisant. Ce processus, permettait une occupation des sols pendant des très longues périodes ; dans un milieu, qui normalement, ne permet qu'une agriculture itinérante sur brûlis, et une occupation du site de trois ans. En raison de la fertilité des sols antillais, de nature volcanique, les Arawaks n'utilisèrent les canaux que dans des endroits particulièrement secs.

Les principales cultures des populations arawaks (le manioc, le mil, le maïs, la patate douce, l’igname, la cacahuète) nous sont indiquées par le journal de bord de Christophe Colomb : « Ainsi, que semé en mil semblable à celui de nos régions. A savoir essentiellement du pain de niames fait avec des racines pareilles à de gros radis qu’ils sèment, qui poussent dans toutes leurs terres et à la base de leur vie. Les terres sont très fertiles, elles donnent quantité de niames sortes de carottes qui ont le goût de châtaignes ; elles donnent aussi des féveroles et des fèves très diverses des nôtres. Beaucoup de coton qui n’est semé mais vient naturellement sur des grands arbres (Fromager) dans les montagnes.. » Ce système agricole à haut rendement généra la densification des sites humains, un fort accroissement démographique et une organisation politique complexe. Car d'après Las Casas (1474-1557), le nombres d’habitants de l'île d'Hispaniola s'élevait, lors de la découverte à trois millions de personnes ; ce chiffre est contesté par les historiens.

Quoi qu’il en soit, les Arawaks furent les premières victimes de la Découverte ou plutôt de la pseudo-découverte colombienne, qui préluda à une série d’exactions commise à l’encontre de la civilisation arawak, conduisant en moins d’un siècle, à sa totale annihilation. Ceci, à cause des agressions meurtrières des frères Colomb, de leurs affidés ainsi que de leurs successeurs, qui n’hésitèrent pas à attrouper des Indiens, tel un viatique, pour qu’ils puissent servir de pâtée à leurs chiens, lors de leurs pérégrinations assassines en Méso-Amérique. Les Arawaks sont ceux, qui subirent le premier ethnocide, le premier génocide de l’histoire des Temps Modernes.

Les Caraïbes une origine contestée

De nos jours, il est admis, que les Caraïbes seraient originaires de la région de l'Orénoque et du littoral des Guyanes, et selon leur mythologie, le premier Caraïbe « kallinago » aurait quitté le continent pour s’établir avec sa famille en l’île de la Dominique. Mais ignorant tout de leur propre genèse, au cours des ans, on leur attribué d’autres origines, dont César de Rochefort (1630-1691) dans son Histoire naturelle et morale des îles de l’Amérique inventorie les différentes versions ayant prévalu et que nous nous proposons de résumer, notamment, celles qui nous semblent les plus pertinentes ou amusantes : «Quelques uns s’imaginent qu’ils sont venus des Juifs, se fondant entre autres choses sur ce que les parentes des Caraïbes leur font naturellement acquérir pour femmes et qu’une partie d’eux ne mangent point de pourceau, ni de tortue. » Nous signalons ces propos à titre anecdotique.

A) Les Caraïbes insulaires sont-ils des réchappés des massacres espagnols ?

La première version que nous retenons, avance l’idée que les Caraïbes ne sont que des réfugiés, des restes, des parcelles de débris, des réchappés des massacres que les Espagnols firent, quand ils s’emparèrent des îles de Cuba, Saint Domingue, Jamaïque et de Porto-Rico. L’auteur repousse cette hypothèse, affirmant que dès le début de la découverte de l’Amérique, les Antilles étaient occupées et peuplées par les Caraïbes et ajoute : « les Indiens de curaçao, qui sont sans contredit de ces véritables réchapez et qui ont encore parmi eus des personnes vivantes (…) n’ont aucun mot de la langue caraïbe en la leur, ni aucune façon de faire d’où l’on puisse recueillir qu’ils aient jamais eu de communication avec les Caraïbes. » Mais Fernandez de Oviedo y Valdez (1478-1557) atteste que les Petites Antilles sont peuplées d‘Indiens originaire du Pérou (Amérique du Sud) ayant fuit la conquête espagnole. On peut s’interroger sur les matériaux historiques dont disposait Rochefort, pour rejeter la version d’un des premiers historiens des Indes Occidentales et gouverneur d’Antigua, qui vingt-et-un ans après la découverte, se trouvait déjà en poste dans les Amériques. Certes, son travail d’historien n’a été jugé probant à cause des nombreuses inexactitudes historiques et son orientation politique. Toutefois, cela ne suffit pas à réfuter sa thèse et les témoignages apportés par Rochefort afin de conforter son point de vue, ne suffisent pas pour contredire la version d’Oviedo.

B) Les Caraïbes originaires de la Guyane, sont-ils apparentés aux Galibis ?

Cette version équivaut à celle qui est retenue par les historiens contemporains, elle prétend que les Caraïbes seraient issus des Galibites ou Galibis habitant l’Amérique méridionale (Guyane) voisins des Alouâgues ou Aroüagues. Les Caraïbes fondent ou fondaient leurs dires à cause de : « la conformité de langage, de religion, et de mœurs qui se trouvent entre les Caraïbes insulaires et les Galibites.» Rochefort portait cette réserve : « bien qu’au reste cette ressemblance puisse venir en partie de l’alliance et de l’amitié particulière qu’ils ont entre eux, en partie du voisinage des Caraïbes du continent méridional et de ces Galibites. » Aujourd’hui, les recherches linguistiques confirment que l’idiome caraïbe n’a pas la structure concrète d’une langue parlée. Cette langue était apprise au moment de l’adolescence et servait d’outil de communication et d’échanges commerciaux avec les Galibis. Leur « véritable » langue, est une langue profondément Arawak. Ce qui infirme l’hypothèse de la filiation galibite.


C) Les Caraïbes étaient-ils une nation vassale des Aroüagues ?

César de Rochefort étudie une autre version, qu’il aurait tenu d’un dénommé de Montel, que les Caraïbes de Saint-Vincent auraient « réciter » à ce dernier et qui l’aurait consigné dans ses mémoires (introuvables) : il soutient que les Caraïbes à l’origine seraient une nation inféodée aux Aroüagues et assujetties à leurs princes, ne supportant plus ce joug, une partie des Caraïbes se seraient rebellés contre leurs oppresseurs, puis se seraient établis sur l’île de Tobago la plus proche du continent avant de se répartir dans l’ensemble des petites Antilles. Cette version est plausible, mais Rochefort tente la contrecarrer à partir d’une analyse étymologique du mot « caraïbes » qui dans cette acception signifierait « rebelle » et il estime : « vivant aujourd’hui au milieu d’eux, tout ce nom de Caraïbes (…) il n’y a nulle apparence qu’il exprime des rebelles, puisque ce leur ferait une flétrissure et une marque d’infamie. » L’argument nous paraît un peu court, pour la prendre en considération. Car le renversement de sémantique n’est pas choses rares dans la langue : Aimé Césaire s’y ait essayé avec un certain succès avec le mot : Nègre chargé d’opprobres à l’origine, dont aujourd’hui certains s’en prévalent et s’en glorifient. A contrario, nous avons l’exemple de conquérants tels que les Vandales, dont le nom est devenu au fil des ans synonyme de barbares, destructeur, dévastateur et aujourd’hui de goujat ou d’imbécile. Donc, l’appropriation ou non d’une identité, ne nous paraît pas une donnée pertinente pour repousser cette éventualité.

D) Les Caraïbes, furent-ils les conquérant des Petites Antilles ?

Cette version émanerait des Caraïbes de la Dominique, elle rapporte que : « leurs ancêtres sont sortis de la Terre ferme, d’entre les Galibis, pour faire la guerre à une nation d’Aroüagues qui habitait les îles, laquelle ils détruisirent entièrement, à la réserve de leurs femmes qu’ils prirent pour eux, ayant par ce moyen repeuplé les îles.» C’est ce fait à leurs yeux, qui expliquerait que les femmes Caraïbes ont un langage qui diffère de celui des hommes et qui serait apparenté à celui des Aroüagues du continent. Rochefort n’a aucun élément probant pour contester cette thèse, donc il dénigre les Caraïbes de la Dominique estimant qu’elle : « n’a aucun fondement, tant que ces gens se contredisent, se réfutent les uns des autres pour apporter une quelconque crédibilité à leurs dires. Toutefois, il n’était pas le premier à faire l’écho de cette thèse, quoique., elle explique la raison pour laquelle les femmes parlent une autre langue que les hommes.

E) Les Caraïbes sont-ils originaires de la Floride ?

La dernière thèse que nous examinerons nous offre une hypothèse plausible de l’origine des Caraïbes, mais sujette à caution, d’ailleurs comme toutes les précédentes. Cette version de prime abord, à une dimension hollywoodienne, tant qu’elle est cinématographique, épique et dramatique. Pour C’est cette version qui pour Rochefort est une vérité assertorique : « la mieux circonstanciée qui ait paru jusqu’à présent, aussi nous la tenons pour la plus véritable et la plus certaine.» Le chroniqueur consacre un long développement de la version de ce gentilhomme anglais monsieur de Bristok dont il a fait sienne ; nous proposons d’en faire le synopsis : En des temps indéterminés une nation indienne, les Cofachites qui demeuraient plus au nord de l’Amérique, dans un pays marécageux et stérile, lancèrent une guerre de conquête contre leurs voisins, les Apalachites qui vivaient sur une terre verdoyante et fertile. Après avoir obtenu l’assentiment des chefs de famille et des villages, les chefs des Cofachites préméditèrent de s’en prendre aux Apalachites au printemps. Le jour venu, les Cofachites brûlèrent leurs villages, prenant femmes, enfants et leurs bagages, ils se mirent en campagne ; plus question de revenir en arrière, il s’agissait pour eux, de vaincre ou de mourir. Les Apalachites occupés à planter leur maïs, aperçurent l’armée des Cofachites qui fonçait sur eux, ils abandonnèrent leur bétail et leurs maisons pour se réfugier dans les montagnes. Le roi des Apalachites, informé de cette intrusion sur son territoire alla à la rencontre de l’armée adverse avec toutes les forces de son royaume. Après moult péripéties et ruses de guerre, les deux armées s’affrontèrent à la frontière du royaume Apalachite : « de part et d’autre ils eurent consumé toutes leurs flèches, ils en virent aux mains ; ayant pris leurs massues, il se fit un grand carnage des deux armées.» Ayant perdu beaucoup de leurs membres les Cofachites, pensèrent qu’ils seraient plus judicieux de négocier avec les Apalachites que d’engager dès le lendemain une nouvelle bataille. Les Cofachites envoyèrent leurs ambassadeurs en mission auprès du roi des Apalachites et firent leurs propositions. Après les réflexions d’usage, le Conseil accepta de leur consentir une province : Amana, sous la condition qu’ils reconnaissent le roi des Apalachites comme leur souverain, lui fasse un tribut annuel raisonnable et qu’ils embrassent sa religion et les coutumes du pays, et à ce titre ils seront tenus comme les naturels du pays et jouiraient des mêmes franchises.

A partir de ce moment que les Apalachites appelèrent les Cofachites : Caraïbes, signifiant dans leur langue : étrangers, hommes forts et vaillant, des gens ajoutés ou survenus subitement.

Les deux nations s’étant unifiées, avec le temps la population caraïbes s’accrut fortement, et refusa de rendre les hommages dus au roi et d’embrasser la religion du dieu soleil. La guerre reprit, les tueries et les famines aussi. Les Caraïbes réussirent à gagner une autre province et forcèrent le roi apalachite à convenir d’une trêve, mais ce dernier n’acceptait pas de céder une deuxième province sans réagir, il mit en œuvre un cheval de Troie, il se servirait de la religion afin de désunir les Caraïbes et de fomenter au sein de cette nation des guerres intestines. Mettant à profit la période de paix, le roi envoya ses prêtres du soleil évangéliser les Caraïbes. Au bout de trois années la trêve venant à expiration, le roi lança son ultimatum. Ayant goûté à la paix et à l’abondance, une fraction des dignitaires Caraïbes acceptèrent d’abjurer leur foi pour adopter la religion du Soleil, mais d’autres refusèrent et le conseil était dans l’incapacité de répondre aux propositions de guerre ou de paix qui leurs étaient faites. Ils s’ensuivit une guerre entre les deux fractions, la fraction victorieuse aidée des Apalachites chassa de la province d’Amana et de Matique les vaincus, ceux qui troublaient leur paix et renforcèrent puissamment leurs frontières afin d’empêcher tout espoir de retour aux exilés. Et ce fut l’exode, la misère et l’errance pour les vaincus, vivant de la charité et de la compassion des habitants des pays qu’ils traversaient. Il finirent par atteindre la mer où ils voient deux embarcations poussées par des vents contraires en provenance des îles Lucayes (Bahamas) dont les occupants avaient mis pied à terre, leurs racontent la beauté des îles désertes situées et inhabitées vers l’équateur, guidés par les Lucaïquois les Caraïbes s’installent à Sainte-croix : « Ce fut en cette île d’Ayay que nos Caraïbes jetèrent les premiers fondements de leur colonie, […] Et quelques siècles après ayant occupé toutes les îles habitables, ils se poussèrent jusqu’au continent de l’Amérique Méridionale…»

Cette version édulcorée (romancée) n’est pas sans rappeler un certain texte biblique. Il apparaîtrait qu’au XVIII e siècle cette thèse connu un succès (tenue pour vraie) car le père Labat (1663-1738) reprend à son compte la thèse de son devancier : « les auteurs qui ont parlé de leur origine, croient qu’ils viennent de la Floride, et que c’est ou le hasard qui les a portés aux petites îles, ou que se trouvant trop pressé dans leur pays, ou trop vivement poursuivis par leurs ennemis, ils ont été obligés de quitter leur pays natal, et d’aller chercher de nouvelles terres pour s’établir. Cette pensée est fondée sur ce que certains indiens de la Floride parlent à peu de chose près le même langage que nos Caraïbes, et ont les mêmes coutumes, ce qu’on trouve point dans aucuns Indiens des Grandes îles, et de quelques endroits de la Terre ferme, dont le langage n’approche en aucune façon de celui de nos Caraïbes, quoiqu’il approche beaucoup de celui que parlent les femmes.

La manière de vivre de nos Caraïbes est encore une preuve, qu’ils sont étrangers dans les îles, puisqu’elle est toute opposée, et tout à fait différente de celle des anciens indiens qui les habitaient. Car ces derniers aussi bien que ceux des grandes îles étaient des gens simples, doux, serviables, affectionner aux étrangers, qui seraient toujours demeurés dans cet état, si les cruautés inouïes, et l’avarice insatiable des Espagnols ne les avaient obligés de se soulever contre eux, pour se délivrer du joug insupportable de leur tyrannie. Au lieu que nos Caraïbes ont toujours été des gens belliqueux, à leur manière, des gens fiers et indomptables, qui préfèrent la mort à la servitude, que les européens depuis ceux qui les ont découvert, jusqu’à ceux qui sont à présent, n’ont pu humaniser assez pour pouvoir demeurer ensemble dans un même endroit, et qu’ils ont été obligés de détruire, ou de chasser, de les rencogner comme ils sont à présent dans les îles qu’ils occupent, qui sont la Dominique et Saint Vincent, pour pouvoir vivre avec quelque sorte de sûreté dans les autres îles. Leur naturel quoique adouci par la douceur du climat, approche encore trop de celui des Sauvages de la Floride et mêmes du Canada, pour ne pas convenir qu’ils viennent de la Floride et des environs et qu’étant passés dans les Petites Antilles, il ne leur fut pas difficile, à ceux qui étaient des guerriers, de se défaire des anciens habitants, qui n’étaient point accoutumés à la guerre, et qui les reçurent sans se défier d’eux. Il y a apparence qu’ils tuèrent tous les mâles, et qu’ils réservèrent les femmes, pour le besoin de la conservation de leur espèce. Quoiqu’ils ne soient pas dans ce besoin aujourd’hui, ils ne laissent pas encore de conserver toutes les femmes qu’ils prennent à la guerre, et après qu’ils les ont conduites chez eux, ils les regardent comme des naturelles du pays et les épousent. » La suite de ce texte, nous décrit par quel moyen les Caraïbes sont partis de la Floride pour arriver aux petites Antilles ; ce qui nous intéresse c’est la conclusion qu’il en tire et cela double titre : « C’est ainsi que l’on peut raisonnablement conjecturer qu’ils se sont établis dans les Antilles. On ne doit pas s’étonner, si en s’emparant de ces nouvelles terres et en détruisant tous les habitants mâles, ils ont conservé leur langue naturelle et leurs coutumes, qu’ils ont transmises à leur prospérité, qui les conserve encore aujourd’hui ; et si les femmes qu’ils y ont trouvées ont conservé aussi leur langue, et leur manière simple et douce, qui sont le caractère des Indiens d’entre les Tropiques.»

La nouveauté qu’apporte le père Labat, par rapport à ses prédécesseurs, c’est de réunir ces deux thèses pour n’en faire qu’une seule. La première traitant de l’origine Nord américaine des Caraïbes n’est pas soutenue par les historiens, les archéologues ou les chercheurs d’autres disciplines travaillant sur le sujet. 

Toutefois, elle mérite l’attention, car la proximité des Bahamas de la Floride, l’étude des courants marin, n’excluent pas la possibilité d’une migration indienne en provenance de l’Amérique du Nord, qui aurait favorisé le peuplement des Petites ou Grandes Antilles. Nous analyserons la seconde thèse après que nous ayons développé la thèse des deux ethnies qui apporte un regard différent de celle des chroniqueurs. Une approche différente

La thèse des deux ethnies

M. Mattioni, ancien directeur du musée archéologique de Fort de France, abonde dans le sens, que nous serions en présence de deux ethnies, comme la plupart des historiens travaillant sur ce sujet : « Les Antiques habitants de la Martinique appartenaient à deux groupes ethniquement et linguistiquement divers, se divisant à leur tour en sous-groupes, possédant des traits culturels particuliers, que l’analyse typologique révèle sans équivoque possible. » Cette distinction entre Caraïbes et Arawak, est remise en cause par d’autres historiens antillais. Mais si l’on se fie au journal de bord de C. Colomb :

1) Le samedi 13 octobre : Ce sont des gens très beaux. Leurs cheveux ne sont pas crépus, mais lisses et gros comme les crins du cheval. (...) aucun d’eux n’est brun foncé mais bien de la couleur des Canariens.

2) Le 6 novembre : elles sont très soumises, pas très noires, moins au contraire que les Canariennes.

3) Jeudi 13 décembre et qu'ils sont plus blancs que ceux des autres îles. Entre autres, ils avaient vu deux jeunes filles aussi blanches que l'on peut l'être en Espagne.

4) Dimanche 16 décembre : C'était les plus beaux hommes et les plus belles femmes que, jusque-là, ils avaient rencontrés. Ils étaient assez blancs, au point que s'ils fussent allés vêtus, protégés du soleil et de l'air, ils auraient été presque aussi blancs qu'on l'est en Espagne.»

5) Samedi 22 décembre : Les Indiens qu’ils emmenaient ne les entendaient pas bien eux-mêmes, car il y avait entre eux quelque diversité de mot pour nommer les choses.

6) : Ayant atteint le continent, nous y avons aperçu quelques indiens d’aspect brutal, la peau presque noire. D’après l’interprète, ils mangeaient des poissons crus et de la chair humaine.

A travers son récit de voyage, Colomb historie des variétés de populations, dont la pigmentation variait, allant du noir vers le blanc. Ce qui nous enclin à croire, que nous étions en présence de plusieurs groupes ethniquement distincts, tant par la couleur de leur peau, que par leur langue, ce qui influe que la présence supposée d’une population antérieure aux Caraïbes, fasse débat : pour des écoles il y a une continuité de peuplement dans les Petites Antilles, pour d’autres une rupture et il est difficile d’y voir clair : l’historien Oruno Lara, lors d’une conférence en vue d’un hypothétique procès contre Napoléon Bonaparte pour crime contre l’humanité, a clairement exprimé sa pensée : l’invasion caraïbe est une fable. Pour M. Mattioni l’invasion est une réalité, du moins, il retrouve les traces de deux « civilisations » qui se sont succédé sur un même territoire, ce qui laisse présupposer le remplacement d’un groupe humain par un autre.

En toute franchise, face à toutes ces interprétations, nous devons reconnaître que nous n’avons pas affaire à des évidences apodictiques। Une analyse socio-politique nous conduirait à formuler que la thèse prônant l’extermination des Arawaks par les Caraïbes infère une justification morale pour les colonisateurs concernant leur attitude envers les Caraïbes, qu’ils ont massacrés allègrement par dizaines de milliers et l’atténuation de leur responsabilité face à l’histoire ou une auto-justification pour leurs contemporains : nous n’avons rien fait, qu’ils n’aient eux-mêmes fait auparavant. Ce qui induit que cette thèse peut être perçue - à raison - comme une légitimation de la colonisation : cette terre n’est pas la leur puisse qu’ils l’ont volé aux gentils Arawak (Ygneris, Inibi, Igniri, Igneri ou Iniri) après les avoir tous tués. Evidemment, c’est cette version, celle des chroniqueurs, que les colonisateurs ont exploitée le plus sûrement, afin d’assurer leurs desseins politiques et les enjeux économiques de la colonisation. 

Mais devons-nous la réfuter pour autant, même si elle a servi de caution morale aux esclavagistes et aux tenants coloniaux ?

Les Caraïbes ont-ils réellement massacrés les populations qui les devançaient dans les îles des Petites Antilles ? 

Les Caraïbes appartiennent-ils à une même et seule ethnie ? 

A toutes ces questions, les réponses apportées par les historiens, les archéologues, les linguistes ne sont pas concluantes, dans la mesure, qu’elles s’opposent, se contredisent, et surtout les historiens qui affichent leurs désaccords.


Tony Mardaye

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Il est entendu, que l’Indien dont nous parlons, doit être vu comme l’Amérindien.
R.P. André Chevillard, Les desseins de son Eminence de Richelieu pour l'Amérique (1659) Soc. Hist. Guad. Bibl.d'Hist. antil. n° 4. 1973.

Un certain nombre d’historiens estime, que l’anthropophagie des Caraïbes n’était qu’un prétexte pour éliminer des indiens qui résistaient bec et ongles aux expéditions des nations européennes et une astuce afin de pouvoir les asservir (esclavagiser). Les chroniqueurs qui ont popularisé cette légende s’appuieraient sur une fable de Colomb : « la terreur d’être mangé les rendait muets et qu’il ne pouvait les délivrer de cette peur. Ils disaient que les canibas n’avaient qu’un œil et une face de chien. » C. Colomb, Journal de bord, 1492-1493, Imprimerie Nationale, ed., p. 118.


Les chroniqueurs sont des religieux, qui furent directement impliqués dans le processus colonial. Ils ont consigné par écrit l’histoire des Petites ou Grandes Antilles au début de la colonisation, mais tout ce qu’ils relatent n’est pas forcément juste, certains faits méritent d’être corroborés par d’autres sources, lorsqu’elles sont disponibles. Et quand il s’est agit de parler du Nègre ou de l’Indien, leur vision idéologiquement connotée a altéré fortement l’humanité et la réalité de ces derniers. D’aucuns furent accusés de plagiat.


Rochefort : Relation de l’Isle de Tabago, chez Louis Billaine, Paris 1666.

La question des indigènes fut posée antérieurement dans les colonies espagnoles. « Ferdinand le Catholique, en 1525 avait déclaré esclaves tous les indigènes du Nouveau Monde, il décréta que les indigènes étaient des êtres inférieurs par nature. En 1529, le roi approuva lors d’un conseil, entre autres cet article : « Il parut à l’assemblée que le droit et la raison garantissent aux Indiens leur entière liberté.» Le pape Paul III dans une bulle de 1531, reconnaît que les Indiens sont libres et non esclaves. » Ces déclarations de principe, n’empêchèrent pas les Espagnols de continuer à massacrer les Indiens, commettant par-là le premier génocide et ethnocide des temps modernes. Lucien Peytraud, l’Esclavage aux Antilles françaises avant 1789, ed., Desormeaux, Paris 1973.

Ces deux familles linguistiques représentent aujourd’hui une cinquantaine de langues chacune.


Dans l’état de nos connaissances, il n’est pas à exclure que les deux hypothèses migratoires soient justes. On pourrait en ajouter une troisième, qui dans l’absolu n’est pas une impossibilité : celle d’une migration nord américaine, à partir de la Floride, en passant par les Bahamas pour arriver en Haïti.


Les indices laissent penser que l’installation se fit au cours du 5e millénaire av. J.-C. « à la période pré-céramique » d’hommes vivant de la cueillette, de la chasse, de la pêche. Les silex éclatés ou sommairement taillés, haches, polissoirs, broyeurs, herminette de pierre et de lambis seraient les vestiges de cette période. Très récemment de tels indices auraient été repérés dans le sud de la Martinique (…) ainsi qu’en Guadeloupe. Histoire de la Martinique : Armand Nicolas, t., 1, Des Arawaks à 1848, ed., l’Harmattan, 1996, p.7.


Histoire des Antilles et de la Guyane, ed., Privat, Toulouse, 1982, p. 38.

Sidney Daney, s’appuyant sur les textes des premiers chroniqueurs, le Père Breton et Du Tertre, écrit à la page 108 de son Histoire de la Martinique : « Les Caraïbes n’étaient pas originaires des îles du golf du Mexique où les trouvèrent les Espagnols… (…) Ils provenaient des Galibis, nation du continent, qui vinrent conquérir les îles sur les Ygneris qui en étaient les naturelles. Les vainqueurs tuèrent les hommes et gardèrent les femmes pour en faire leurs épouses.»

Par dérivation ou corruption « conuco »deviendra le jardin que les Espagnols allouerons à leurs esclaves.


L'Etat du monde en 1492 / Amérique /sous la direction de Guy Martinière et Consuelo Varela, ed., La Découverte.


Journal de bord, C. Colomb, 1492-1493, ed., Imprimerie nationale, p. 103, 105, 135.


Une société fortement stratifiée avec un roi ou cacique au sommet et tout en bas de l’échelle les Naborias ou Ciboneys, dont le statut correspondrait à celui de l’esclave.


Armand Nicolas, avance le chiffre de 300 000 habitants, un autre 350 000. Remarquons que les historiens tablent sur une population se chiffrant entre 7 000 000 et 1 000 000 d’individus vivant sur l’île d’Hispaniola à l’arrivée de Colomb, en 1492. Mais cette estimation est en baisse constante, comme vous pouvez vous en rendre compte, dans l’encyclopédie Encarta, la population totale estimée pour les îles Caraïbes au moment de la découverte s’élève à 445 000 habitants. Au rythme où les encyclopédistes et les historiens « dépopulationnent » le bassin caraïbe, il est probable que dans deux siècles, on ne trouvera plus qu’un millier d’indiens perturbés, qui se seraient égarés dans ces îles.


Sans remonter jusqu’aux Vikings, il était admis au 15 e siècle la sphéricité de la terre, aussi bien par les par les savants que par les navigateurs. Par ailleurs le Pape Pie II (Silvio Piccolomini) avait publié un livre soutenant cette hypothèse. Il est écrit qu’un capitaine diéppois : Jean Cousin aurait découvert le Brésil en 1488, en accostant au Cap San Rogue. Remarquons que son second n’était que Vincent Pinzon, commandant de la Nina et son frère Martin Pinzon celui de la Pinta, deux des trois bateaux qui s’élancèrent à conquête du Nouveau Monde. Donc en cherchant, on trouve de nombreux indices qui permettent de remettre en cause la primauté de la découverte colombienne ou des questions qui restent pour l’heure sans réponse : d’où provenait les « beaux bois exotiques » dits à l’époque « bois du Brésil » et ceux qui tapissaient la bibliothèque de Charles V au Louvre ? On suppose qu’i l y avait des capitaines (irlandais, bretons, basques, portugais, turques, etc.) qui se rendaient en Amérique (pour le bois du brésil, pour chasser la baleine ou suivre les bancs de morue) bien avant 1492, mais des raisons évidentes de monopole, gardaient leurs routes maritimes sécrètes. Ceci ne vaut que pour l’Europe, car les indices asiatiques ou africains sont encore plus probants.


Armand Nicolas remarque : Cuba, par Exemple, avait 300 000 Taïnos, Porto Rico 60 000, en une dizaine d’années il n’en restait plus un seul indien vivant dans les Bahamas.


Kallinago selon le langage des hommes et Kalliponam selon la langue des femmes.


Rochefort (César de) : Histoire naturelle et morale des îles de l’Amérique. Ed., Rotterdam, 1658 , p. 327


Oviedo y Valdez, Fernandez de, Historia General de las Indias (1557), Biblioteca de autores Espagnoles, Atlas, Madrid, 1992., t. II, p. 210


Cesar de Rochefort : Histoire naturelle et morale des îles Antilles de l’Amérique. Arnould Leers, Rotterdam, 1658. p. 326

id., p.329
id., p. 330, 331.
Id., p. 330.
Id. p. 330
id., 334
id., p. 349
Le Père Labat : Nouveau Voyage aux îles de l’Amérique ; t IV, p. .332, 333, 334 , 335.
Id. p.336
Histoire des Antilles et de la Guyane, ed., Sernor / Tchou, p.12
Journal de bord, 1492-1493, ed., Imprimerie Nationale, p. 75, 105, 135, 141, 152.

Vicente Munoz puelles, Moi Colomb, ed., Casterman.


Mais dans sa lettre à Luis de Santangel, Colomb dit le contraire : « je n’ai pas vu grande diversité dans le type d’habitants ni dans les coutumes ni dans leur langue, mais au contraire tous se comprennent…» Un avis que ne semble pas partager le Père Raymond Breton : « le langage des nos Karaïbes est différente de celles des Gallybis de terre ferme। Ils ont diverses sorte de langages. Les hommes ont le leur et les femmes un autre, et encore un autre pour les harangues et traittés de conséquences…» Relation de l’île de la Guadeloupe, t., 1 Basse-Terre, Société d’histoire de la Guadeloupe, 1978. p. 55. La contradiction manifeste entre la lettre à Luis de Santangel et les notes relevées dans son journal de Bord, vient sans doute du fait, que le Journal de Bord, est la copie d’une copie. Le manuscrit qui est parvenu jusqu’à nous a été écrit par Las Casas, l’original ayant disparu. Il est fort à parier que Las Casas ait apporté des corrections et imprimé sa propre vision ou conception des Indiens dans le manuscrit attribué à Colomb. Les lettre envoyées à Santangel, Sanchez et aux rois catholiques le 4 mars 1493, ayant été maintes fois rééditées, afin de couper court à l’expansion portugaise, sont bien l’œuvre de Colomb.