jeudi, octobre 08, 2009

Le refus de l’esclavitude

À partir de l'étude des livres de comptes, des carnets de bord des négriers et de nombreux travaux de recherche, Alain Anselin livre ici un travail méthodique et inédit sur les résistances africaines à l'esclavage.

Extrait :

"Le Capitaine du Notre Dame de Bonne Garde, un bateau négrier destiné à approvisionner en bras serviles la Martinique, consigne dans son Journal de Bord le récit d'une révolte lancée en face des côtes du Dahomey par des ''Nègres qui s'étaient déferrés pour se tirer de l'esclavitude et ne se trouvant pas contents de se tirer eux-mêmes, voulaient suborner les autres".

L’auteur explique: ''Nous avons gardé pour titre de cette étude ce mot, parce que ce petit livre n’est rien d’autre qu’un hommage au Refus de l’Esclavitude qui a animé, à bord comme à terre, pendant plus de trois siècles, toutes les rebellions de dizaines de milliers de captifs africains destinés à l’esclavage de la plantation américaine et caribéenne''.

A partir d'un travail de documentation impressionnant, Alain Anselin lève le voile sur un pan méconnu et peu mis en valeur de l'histoire de la traite.

Loin des idées reçues sur les bénéfices que les Africains auraient eux-mêmes tiré du commerce triangulaire, on découvre plutôt comment ils ont d'abord livré des combats acharnés contre les négriers, préférant souvent la mort à la déportation. Avec ce livre, l'auteur démonte la manipulation historique visant à rendre les Africains largement responsables du sort que les négriers ont infligé aux esclaves dans les Amériques et les Caraïbes. Cette relecture des événements historiques permet de comprendre
pourquoi l'héroïsme des résistants africains à l'esclavage a été très fortement occulté. Un ouvrage de référence sur le sujet.

*Alain Anselin enseigne l'égyptien ancien en Sciences du langage à l'Université des Antilles Guyane. Fondateur des Cahiers Caribéens d'Égyptologie, il est également anthropologue.

dimanche, octobre 04, 2009

Chemins d’esclaves Du 3 octobre 2009 au 3 janvier 2010

« Chemins d’esclaves », est une exposition qui retrace l’histoire de la traite négrière transatlantique et de l’esclavage en mettant en relation les œuvres de l’artiste contemporain Julien Sinzogan originaire du Bénin et celles des collections du Musée d’Angoulême.

Prenant appui sur les toiles de l’artiste qui regorgent de références aux croyances des peuples fon, nago et yoruba de la côte des esclaves (actuelles côtes du Bénin et du Nigeria), c’est sous un angle nouveau que cette histoire complexe et douloureuse est abordée, celui d’un déracinement, d’une perte d’identité que constituent l’arrachement à la terre des ancêtres et la déportation dans le Nouveau Monde.

Les œuvres de Julien Sinzogan, des documents d’archives, diaporamas, les objets des collections du Musée d’Angoulême et d’autres musées partenaires dessinent les chemins parcourus par des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants au-delà des mers.

Commissariat d’exposition :
Brigitte Kowalski (chercheuse indépendante en histoire des migrations africaines)
Émilie Salaberry (chargée des collections extra-européennes au Musée d’Angoulême)

vendredi, octobre 02, 2009

Des pans d'histoire qui disparaissent


Non que la majorité des langues africaines soient menacées. Certaines d'entre elles gagnent même en importance, tout particulièrement les langues véhiculaires, comme le swahili en Afrique orientale (plus de 100 millions de locuteurs) et le haoussa en Afrique de l'Ouest (40 à 50 millions de locuteurs), mais aussi certaines langues nationales, telle le wolof, au Sénégal, comme le remarque Maarten Mous, professeur de linguistique de l'université de Leyde, aux Pays-Bas.

En réalité, selon le linguiste, l'Afrique est moins menacée que d'autres régions du monde, tout particulièrement l'Amérique latine, par la disparition des langues, notamment parce que l'anglais ou le français des ex-puissances coloniales n'ont pas fait disparaître les langues locales.

D'autres dynamiques sont à l'oeuvre pour menacer des idiomes dans toute l'Afrique. Dans un pays comme l'Ethiopie, l'amharique, qui n'est parlé que par environ 40 % de la population, tend à remplacer certaines langues, notamment dans le sud du pays. L'ongota, par exemple, n'était plus parlé que par huit vieillards lors de la dernière évaluation, en 2007. L'Unesco estime à vingt-sept le nombre des langues sérieusement menacées en Ethiopie.

La disparition de certaines langues accompagne la disparition de modes de vie, la transformation de milieux naturels ou de rapports sociaux. Sont en voie de disparition des langues parlées au sein des castes, comme la caste des forgerons en Afrique de l'Ouest, ou certaines langues utilisées lors d'initiations. La langue appartenant au groupe couchitique des Aasax, des chasseurs-cueilleurs vivant au milieu des Masaï de Tanzanie, s'est éteinte en 1976 lorsque les membres de cette petite ethnie ont abandonné leurs pratiques traditionnelles pour se transformer en pasteurs, adoptant au passage la langue des pasteurs, et s'assimilant donc progressivement aux Masaï.

Nicolas Quint, chercheur au laboratoire Langages, langues et cultures d'Afrique noire (CNRS/Inalco), résume : "A l'échelle mondiale, c'est la scolarisation de masse qui a entraîné l'accélération de la disparition des langues." Le linguiste travaille notamment dans les monts Nouba, au Soudan, où une cinquantaine de langues sont concentrées dans un espace réduit. L'une des langues de cette région qu'il étudie, le koalib, a repris de la force grâce à un véritable plan de "résistance" mis sur pied par un homme hors du commun.

Alors que la culture nouba était très menacée, pendant la seconde guerre civile soudanaise, avec le pouvoir central instaurant dans un contexte de grande violence (viols, tueries, déplacements forcés, etc.) une arabisation aux populations nouba, un chef militaire originaire de cette région, Yusif Kuwa, s'est associé à la rébellion sudiste, l'Armée de libération des peuples du soudan (SPLA), avec le soutien d'Eglises chrétiennes, pour à la fois créer une zone rebelle et développer la culture nouba. L'arabe a été abandonné dans les écoles, remplacé par l'anglais et les langues autochtones.

"Grave pour l'identité"

Depuis, le monde nouba renaît de ses cendres. "Ce qui ne signifie pas que cet exemple soit reproductible, avertit Nicolas Quint, ni qu'il faille impérativement appeler au sauvetage de toutes les langues, puisque ce serait irréaliste. Mais il faut être conscient de la menace. Pour les peuples dont la culture ne passe pas par l'écrit, la perte de la langue est une chose grave pour leur identité."

Sur un continent largement dominé par la culture orale, les langues sont aussi des réservoirs d'informations sur l'histoire du peuplement. Par exemple, des Kikuyu du Kenya et des Rwandais parlant le kinyarwanda peuvent se comprendre, et ont même en commun une façon particulière de prononcer les "l" et les "r". Cela signale qu'à un moment, des hommes ont partagé un espace commun avant de se séparer.

L'histoire de populations parlant les langues du groupe bantou a pu être reconstituée en partant de leur berceau initial, situé entre le Cameroun et le Nigeria. L'hypothèse de l'existence de ce groupe avait été formée dès 1862. Un siècle plus tard, le linguiste Joseph Greenberg établissait une théorie sur les migrations ayant permis à ces peuples d'essaimer vers l'Afrique orientale et australe, conquises en deux millénaires seulement. Par un système de comparaison, les linguistes ont calculé les transformations des langues, construisant des machines à remonter le temps de l'évolution linguistique assez théoriques, mais confortées depuis par d'autres types de données, notamment génétiques.

L'indice ne trompe pas : il reste tellement à apprendre au sujet des langues africaines que l'évaluation de leur nombre exact ne fait pas l'unanimité. Mille quatre cents peut-être, 2 000 sans doute. Et selon les linguistes, 10 % des langues du continent pourraient s'éteindre au cours du prochain siècle. Au moins 300 langues africaines ont moins de 10 000 locuteurs, seuil où une langue commence à être en danger. La moitié environ est déjà sérieusement condamnée, ou en passe de le devenir.

La rapidité et l'intensité des migrations de "bantouphones", observable dans le fait que des structures, mais aussi des mots de vocabulaire, se retrouvent à l'identique, séparés par des milliers de kilomètres ("mafuta" signifie huile, ou graisse, aussi bien en zoulou d'Afrique du Sud qu'en swahili de Tanzanie, par exemple).

Aujourd'hui, selon Clare Janaki Holden, anthropologue à University College à Londres, il existe environ 450 langues bantoues. On trouve leurs locuteurs depuis le Gabon jusqu'aux Comores, notamment. Le zoulou, comme le khosa, en Afrique du Sud, ont intégré certaines caractéristiques des langues qu'ils chassaient, appartenant au groupe khoisan, notamment à travers l'usage de clicks. Ce sont ces langues khoisan qui sont particulièrement menacées, les locuteurs préférant adopter les langues dominantes de la région. C'est le cas par exemple au Botswana, où le setswana les menace d'extinction.

Jean-Philippe Rémy

jeudi, octobre 01, 2009

Les Antilles de Denise Colomb à l'Hôtel de Sully


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Denise Colombe, Pointe-à-Pitre, Guadeloupe, 1948

© (c) Ministère de la Culture, Médiathèque du patrimoine, dist RMN

L'Hôtel de Sully présente jusqu'au 27 décembre les photos antillaises de la parisienne Denise Colomb

La photographe d'artistes, connue pour ses portraits d'Antonin Artaud ou Nicolas de Staël, s'est rendue deux fois aux Antilles, en 1948 à l'invitation d'Aimé Césaire, en 1958 pour une campagne de publicité.

Elle a porté un regard "humaniste" sur une société pauvre, qui , cent ans après l'abolition de l'esclavage, sortait juste du régime colonial.


Denise Colomb (1902-2004) a fait ses premières photos en Indochine. Introduite dans le monde de l'art par son frère, le galeriste parisien Pierre Loeb, elle est surtout connue pour ses portraits d'artistes: Artaud, Giacometti, Picasso, De Stael.

Denise Colomb, Récréation, 1948 (c) Ministère de la Culture - Médiathèque du Patrimoine, dist RMNEn 1948, Aimé Césaire, qui a vu ses photos d'Indochine, l'invite aux Antilles pour la célébration du centenaire de l'abolition de l'esclavage aux Antilles françaises. Elle se rend en Martinique, en Guadeloupe et en Haïti. Sa visite a lieu au moment où commence à s'appliquer la loi de départementalisation, qui met fin officiellement à l'ère coloniale. Denise Colomb doit initialement travailler avec l'ethnologue Michel Leiris, en mission aux Antilles. Mais le courant ne passe pas entre eux et la photographe travaille finalement seule.

C'est une région pauvre que découvre Denise Colomb, où les enfants vont pieds nus, voire fesses nues, où on vit dans des cases vétustes, sans sanitaires. Ce n'est pourtant pas un travail engagé ou révolté que la photographe produit. On est à la grande époque de la photographie humaniste française, et Denise Colomb s'inscrit bien dans leur "réalisme poétique".

Elle photographie les enfants dans la rue, à l'école, guettant leurs sourires. Les femmes dans des cuisines précaires ou à la lessive à la rivière. Les hommes au café ou dans les plantations. Et aussi les bals et le carnaval. Aux Antilles, "on y chante et on y danse, mais la misère est là", résume-t-elle. Résultat, un exotisme modéré et un regard plein d'empathie.

Denise Colomb, Pêcheur coiffé du bakoua, Martinique, 1958 (c) Ministère de la Culture, Médiathèque du Patrimoine, dist. RMNAimé Césaire utilise plusieurs de ses photos pour illustrer un article où il dénonce la misère du plus grand nombre des Antillais.

En 1958, Denise Colomb retourne aux Antilles pour la Compagnie générale transatlantique. Pour de la publicité donc. Il s'agit de promouvoir la beauté des îles et l'hospitalité des créoles. Son approche ne change pas radicalement. Quelques photos de misère en moins et quelques photos de plage en plus, la démarche de son premier voyage n'est pas contradictoire avec cette commande. Les photos de ses deux voyages sont d'ailleurs mêlées dans la première salle de l'exposition.

Lors de ce deuxième voyage, elle prend, parallèlement à des images en noir et blanc, des images en couleur, qu'elle utilisera peu. Elles sont projetées à l'Hôtel de Sully. Malheureusement, la subtilité des couleurs du Kodachrome perdent à la projection.

Denise Colomb aux Antilles, 1948-1958, Jeu de Paume, Hôtel de Sully, 62 rue Saint-Antoine, 75004 Paris, 01-42-74-47-75
tous les jours sauf lundi, mardi à vendredi 12h-19h, samedi et dimanche 10h-19h
tarifs: 5€ / 2,50€

Les Haïtiens se souviennent de Vertières


Événement historique pour Haïti et le peuple de cette première République noire indépendante du monde, il ne se passe jamais une année sans que les Haïtiens ne se remémorent la Victoire de Vertières.
Même éloignés du pays, ils ne sont pas prêts à oublier le 18 novembre 1803, jour où à Vertières, dans le nord du pays, les combattants de Jean-Jacques Dessalines – fondateur de la patrie – infligèrent une défaite inattendue aux troupes françaises. Ce fut une armée indigène composée essentiellement d'anciens esclaves qui remporta cette dernière bataille avant l'indépendance du pays, en janvier 1804, quelque deux mois plus tard. L'armée de Napoléon Bonaparte, commandée par le général Rochambeau, venait de capituler.

Cet exploit va, cette année encore, réunir les Haïtiens d’Ottawa-Gatineau. Il s'agira de la 206e commémoration. Une soirée de gala sera organisée, l'occasion pour les Haïtiens de la capitale nationale de réfléchir sur le présent et l'avenir de leur pays qui peine depuis des années à retrouver sa stabilité.

Georges Tamba