mardi, septembre 28, 2010

En Afrique, ce sont les colonisateurs qui ont mis fin à la traite négrière

Le géographe Yves Lacoste vient de publier « La question post coloniale » chez Fayard.

Il analyse les différents aspects de la colonisation depuis la première, la colonisation américaine au XVe siècle,
— les différents types de conquêtes coloniales, les différentes pratiques coloniales
— les différentes luttes contre la colonisation, les différentes décolonisations, les différentes indépendances qui en ont découlées,
— les différentes luttes pour le pouvoir au sein de ces nouveaux pays indépendants et leurs conséquences...
— les conséquences qui en résultent pour les anciens pays colonisateurs, les émigrations des anciens colonisés vers l'ancienne métropole, leur condition et leur situation « géopolitique », celle de leurs enfants qui y sont nés...
— Et enfin, notre rapport à ces populations de cette autre origine, notre rapport à notre propre histoire coloniale.
C'est un ouvrage très riche qui modifie le regard et la compréhension que nous pouvions avoir sur ce sujet.

L'esclavage.
La pratique guerrière et commerciale qui consiste à capturer des hommes, des femmes et des enfants pour les vendre a été le fait durant des millénaires, de la quasi-totalité des sociétés, quel que soit leur niveau de développement philosophique.

Les cités grecques de l'Antiquité, même celles qui furent le berceau de la démocratie, furent des sociétés guerrières et esclavagistes: la population d'Athènes était composée aux 3/4 d'esclaves, dont certains venaient d'autres cités grecques vaincues.

L'Empire romain donne encore plus d'envergure à ce système de production.
Les magnifiques constructions grecques et romaines que nous admirons ont été bâties par des esclaves.

La diffusion du christianisme ne fera que très progressivement disparaître l'esclavage qui perdura, selon certains, jusqu'à la fin du Moyen-âge.

Mais des ordres religieux catholiques sous l'égide de la Vierge ont durant des siècles capturé des hommes, femmes et enfants qui étaient des « païens » ou des Slavoni (d'où le mot esclave, qui vient de slavus) — chrétiens orientaux —, pour les vendre aux Ottomans...

Le terme et la notion d'esclave ont eu 2 significations complexes et contrastées :
— les esclaves-marchandises, producteurs ou domestiques dont l'achat coûte relativement cher dans bien des cas
— les esclaves-guerriers appartenant à un appareil d'État ou à un chef de guerre.
Ces 2 aspects de l'esclavage ont existé durant des siècles en Afrique comme ailleurs, et ils fonctionnaient l'un par rapport à l'autre, car dans bien des cas, c'étaient les esclaves-guerriers qui capturaient les esclaves-marchandises.

À partir du 17e siècle, en Afrique, l'esclavage commercial est apparu :
Le puissant royaume yoruba d'Ife (Nigeria aujourd'hui), situé au contact des savanes du nord et des forêts côtières a développé ses activités esclavagistes à la demande de « clients » du Nord, qui ne voulaient pas aller en forêt avec leurs chevaux capturer des esclaves.

L'esclavage commercial s'ajouta à la servitude domestique ; ce commerce multiplia la richesse du Roi et de son entourage.

Pour les sociétés africaines n'ayant pas de produit naturel attrayant comme l'or à exporter, mais où un processus de centralisation était en cours, les esclaves constituaient le meilleur article d'exportation.

La traite.
La traite d’esclaves a existé depuis les 7/8e siècles vers le Maghreb, l'Égypte, l'Arabie et le Golfe Persique, par millions. Bien que convertis à l'islam, ils restaient esclaves. Aussi à la fin du 9° siècle, déclenchèrent-ils une terrible révolte, celle des Zendj, qui est restée célèbre.

À cette traite orientale, s'est ajoutée la traite occidentale à partir du 16e siècle pour les besoins de main-d’œuvre des Européens en Amérique où la population indigène a disparu sous l'effet des épidémies.

Elle commence en 1519, dès la conquête du Mexique, et prend de plus en plus d'importance aux 17e et 18e siècles. Le maximum est atteint entre 1775 et 1800 avec 2 millions d'esclaves transportés en Amérique (principalement au Brésil), sur un total de 11 millions de 1519 à 1860, selon les chiffres récemment calculés d'après les archives...

La traite ne résulte pas tant des entreprises privées, que de puissantes compagnies « à charte » qui ont obtenu un privilège auprès de l'État dont chacune dépend.

Ce fut d'abord le Portugal, l'Angleterre, la France, enfin les Pays-Bas qui supplantèrent les Portugais. 

Du côté africain, la traite était aussi l'affaire des souverains, qui fixaient le prix des captifs, et le volume des marchandises obtenues en échange.

L'analyse des livres de comptes des compagnies montrerait que très peu d'esclaves auraient été capturés par les négriers européens: les souverains africains s'opposaient à cette concurrence déloyale qui les privait de leurs bénéfices.

Ils faisaient pratiquer la chasse aux esclaves par des esclaves-soldats ou par des « seigneurs de la guerre » qui organisaient des campagnes pour fournir des esclaves au souverain avec lequel ils avaient passé accord.

Un autre système consistait à obliger un peuple jusqu'alors soumis aux captures, à aller en capturer chez un peuple voisin pour les remettre à des intermédiaires du souverain.

Le développement des « exportations » vers l'Amérique entraîna une extension des territoires « exploités ». De plus en plus de peuples furent impliqués, soit en tant que chasseur, soit en tant que gibier.
Les Mossi (au Burkina) sont semble-t-il, le seul grand peuple africain qui n'y ait pas participé, il aurait même protégé ses voisins...
La fin de la traite.

En 1807, en pleine guerres napoléoniennes, le Premier Ministre anglais William Pitt promulgue un décret interdisant à tout sujet britannique d'acheter ou de vendre des esclaves.

Un courant d'idées prenait conscience que « l'esclavage des noirs » ne se justifiait sur les plans ni religieux, ni philosophique. En Angleterre et en France, des Sociétés des amis des noirs luttaient pour l'abolition de l'esclavage.

En 1792, à Londres, 400 000 personnes signèrent une pétition dans ce sens !
Pour abolir l'esclavage, il aurait fallu des sommes considérables pour indemniser les propriétaires d'esclaves. C'est seulement l'interdiction de la traite qui fut décidée en 1807.

Après la défaite de Napoléon, l'Angleterre imposa au congrès de Vienne l'interdiction de la traite.

L'interdiction fut appliquée avec rigueur par la marine britannique chargée d'intercepter les navires négriers.

L'interdiction d'exporter des esclaves provoqua de véritables guerres entre les Britanniques et les Achanti.

Ces « guerres achanti » se soldèrent par la conquête coloniale du pays.
L'effet de cette interdiction fut la propagation de la « traite intérieure » en Afrique, car les chefs de guerre continuèrent leurs chasses aux esclaves pour les vendre à des acheteurs africains qui les revendaient sur un marché local. Comme ceux-ci payaient moins que les Européens, on augmenta les captures pour compenser le manque à gagner.

La valeur des esclaves s'effondra. Alors qu'à Cuba, au début du 19e, un esclave valait le prix d'un petit camion d'aujourd'hui, on tomba à des prix dérisoires : un âne valait le prix de 3 ou 4 femmes...

Dans la première moitié du 19e siècle, les nouveaux conquérants européens de l'Afrique tropicale n'avaient ni le désir, ni le droit de faire fortune, comme ça se faisait au temps du commerce négrier.

Les Français arrivèrent à Saint-Louis du Sénégal en 1852 avec le capitaine Louis Faidherbe qui étudia les structures sociales et géopolitiques de son territoire.

En 1841, El-Hadj Omar Tall, un chef de guerre qui est aussi un prédicateur lance un djihad contre des royaumes qui ne sont pas musulmans, fonde sa capitale à Dinguiraye (Guinée), s'empare du royaume de Bambouk et de ses gisements aurifères. Cela lui permet, outre la vente de nombreux esclaves, d'acheter des fusils à des trafiquants.

Les Français refusent de lui en vendre, il les attaque, mais ne l'emporte pas. Il dirige alors ses attaques contre des royaumes animistes, mais aussi musulmans, tout cela lui fournissant nombre d'esclaves pour payer ses achats d'armes. Il meurt en 1864.

Samory Touré.
En 1852 au cours d'une guerre, sa mère est capturée par un chef de clan, celui des Cissé. Pour la libérer, il s'engage dans leur armée, y devient un guerrier réputé qui rapporte beaucoup de butin et d'esclaves. Au bout de 7 ans, il s'enfuit avec sa mère. Deux ans plus tard, le peuple de sa mère, les Camara, le nomme chef de guerre pour les défendre.

Samory crée une armée de métier, et un empire qui peut être défini comme un « État guerrier et marchand » : une commerçante devait pouvoir circuler librement avec ses marchandises... qui étaient le plus souvent des esclaves.
Vers 1878 il a conquis tout le haut Niger, mais à l'ouest, vers le Sénégal, il prétend prendre des esclaves sur des peuples qui, depuis Faidherbe, se sont mis sous la protection des Français.

Samory est battu, fait la paix avec les Français, et dirige ses attaques vers la ville de Sikasso d'un autre État guerrier et marchand. Mais les Français ne veulent pas qu'il s'en empare.

Samory est obligé d'aller vers l'est face au royaume de Kong, à qui les Français assurent leur soutien.

En 1889 commence contre Samory, et au sein même de son empire, ce qui pour beaucoup d'Africains a été la « guerre du refus », car les animistes et nombres de musulmans ne supportaient plus les livraisons d'esclaves qu'il leur imposait.
En 1898, Samory est enfin fait prisonnier et déporté au Gabon.

Malgré les razzias et massacres qu'il a fait subir à des peuples dont il a vendu une partie comme esclaves, Samory est considéré comme un grand homme d'État africain, et résistant anticolonialiste.

Pourtant, c'est au contraire la « guerre du refus » des peuples africains qui était révolutionnaire,
— avec l'aide des Français colonisateurs (intéressés),
— contre l'esclavagisme de Samory !

Jean-Pierre Bernajuzan

vendredi, septembre 17, 2010

«Du passeport du sous-développé, de la Guadeloupe et du mépris français» - Posts Afrique

«Du passeport du sous-développé, de la Guadeloupe et du mépris français» - Posts Afrique: "– Envoyé à l'aide de la barre d'outils Google"

L’esclavage revu et corrigé

Gilles Gauvin, docteur en histoire contemporaine et professeur en collège en ZEP depuis une quinzaine d’années en métropole, a été l’un des membres du Comité pour la mémoire de l’esclavage (2004-2009) et référent national des écoles associées de l’Unesco (Reseau) pour le thème des droits de l’Homme (2008-2010). Il signe ici un nouvel ouvrage de référence pour battre en brèche “les idées reçues” véhiculées sur le thème de l’esclavage. Un mot qui projette la mémoire collective immédiatement dans le XVIIIe siècle. Réflexe conditionné. Pour nombre de personnes, l’esclave est noir et le maître est blanc.

Les clichés ont la vie dure. Et combien sont-ils à penser que le phénomène est éradiqué de nos jours ?… Dans son ouvrage intitulé tout simplement “L’esclavage”, Gilles Gauvin rappelle que la pratique de la servitude remonte à l’Antiquité, que les blancs n’en ont pas l’apanage (les Arabes ne s’en sont pas privés non plus) et qu’il existe, de nos jours encore, une pratique de la traite et de l’esclavage, notamment dans certains pays d’Afrique, tels que la Mauritanie et le Soudan. “On estime à 27 millions le nombre de personnes soumises aujourd’hui à un esclavage traditionnel, et entre 250 et 300 millions les enfants réduits en esclavage, dont près d’un million, majoritairement des filles, contraints à la prostitution”, souligne l’auteur. 

Au fil d’une centaine de pages, Gilles Gauvin analyse ces idées toutes faites que l’on peut entendre aujourd’hui encore à propos de l’esclavage, idées réactivées en France par les nombreuses polémiques suscitées par les violences urbaines de novembre 2005. 

Il reste beaucoup à faire dans le domaine de la recherche universitaire, de l’enseignement, mais aussi de la vulgarisation pour tenter peu à peu de faire disparaître des stéréotypes comme “les Européens sont à l’origine de l’esclavage des Noirs”,”tous les esclaves africains ont été déportés à partir de Gorée”,”c’est grâce à la République que l’esclavage a été aboli en France”,”l’esclavage est la cause de la guerre de Sécession aux États-Unis” ou encore “le créole, c’est du français déformé”

- “L’eslavage” : ouvrage paru dans la collection Idées reçues, pour pointer ces clichés issus de la tradition ou de l’air du temps, mêlant souvent vrai et faux, et polluant toutes les têtes. L’auteur les prend pour point de départ et apporte ici un éclairage distancié et approfondi sur ce que l’on sait ou croit savoir.

jeudi, septembre 16, 2010

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