mercredi, avril 17, 2013

Affaire des frères de Jaham



Deux planteurs, les frères Jaham, habitants de Champ-Flore, à deux lieues de Fort-Royal, ont fait subir à des nègres des tortures qui dépassent tout ce que l’imagination peut concevoir. Leur procès, qui restera dans les monstrueuses annales de la servitude, constate des faits que l’on ne voudra pas croire en Europe.

C’est par la mère d’un enfant assassiné, que l’on a su cet atroce épisode de l’esclavage ; égarée par le désespoir, elle vint à Fort-Royal, criant au milieu des rues : «Mon maître a tué mon fils ! mon maître a tué mon fils !»
Audience du 18 décembre 1845.

La grave accusation qui était dirigée contre deux jeunes créoles, les frères Octave et Charles de Jaham, avait vivement excité l’attention publique, et un nombre considérable de curieux se pressait dans l’enceinte de la Cour.
Rosette avait trois enfants ; elle était enceinte de quatre mois, lorsqu’au mois de juillet elle vint se plaindre au Parquet. Les faits reprochés à Octave Jaham en particulier :

1° d’avoir infligé à Rosette, enceinte, des coups de fouet, le corps mis à nu, coups qui ont occasionné des lésions de l’épiderme avec effusion de sang, et d’avoir fait imprégner les blessures saignantes de citron et de piment ;

2° d’avoir, quelques jours après, renouvelé le même châtiment, parce que Rosette n’était pas remonté assez tôt de la ville, où elle avait été envoyée vendre du charbon ;

3° d’avoir tenu aux fers Gustave, malade, dans un parc à veaux, ouvert à tous les vents ;

6° d’avoir accablé de chaînes et de fers le petit Jean-Baptiste, âgé de douze ans ;

7° d’avoir ainsi occasionné la mort, sans intention de la donner, de Jean-Baptiste et de Gustave ;

8° d’avoir frappé et fait frapper Vincent, âgé de six ans, d’une manière excessive, et lui avoir causé une maladie de plus de vingt jours.
L’accusation reproche aux deux frères, en commun, d’avoir complètement négligé la nourriture et l’entretien, et d’avoir fait avaler à leurs esclaves des excréments d’hommes et d’animaux mélangés…
Résumons les faits.
D’un côté, l’accusation du maître : vol de quelques ignames, marronnage, insolence ;

De l’autre, une femme grosse, fouettée jusqu’à ce qu’on tue dans son sein une pauvre créature, torturée avant que de naître ; trois enfants si cruellement traités que deux y perdent la vie.

Et un verdict d’acquittement ! 

V. Schoelcher, « Histoire de l’esclavage pendant les deux dernières années », Paris, 1847.

Aucun commentaire: