dimanche, mai 24, 2020

Schoelcher, pour toutes celles et ceux qui s’indignent de voir sa statue déboulonnée, devraient un peu s’instruire.



Comme beaucoup d’abolitionnistes français, il était partisan de l’abolition de l’esclavage pour qu’ait lieu une meilleure colonisation.

C’est toute la limite d’un abolitionnisme français qui est contre l’esclavage car il corrompt les mœurs, n’est pas moral mais qui n’envisage pas la liberté des Noir.e.s.

Schoelcher rêvait d’une colonie réconciliée où tout le monde travaillerait harmonieusement. La colonisation pour lui c’est apporter la lumière à des peuples dans la nuit.

En 1840, il écrit à propos des Africains “Ce serait une noble tâche et de nature à inspirer une noble ambition que de leur porter pacifiquement la lumière, de les gagner à la civilisation, d’établir entre eux et nous des relations qui leur fissent prendre un rôle dans le poème sublime de l’humanité”.

En 1842, “ la civilisation a pour devoir d’éclairer les sauvages, de les instruire, de leur donner une direction”.

Cet abolitionnisme français n’a jamais été révolutionnaire, jamais résolument antiraciste et certainement pas anticolonialiste. Schoelcher a poussé à l’abolition immédiate plutôt que progressive comme le voulaient de nombreux républicains de 1848 mais aussi parce qu’il craignait de nouveaux Haïti.

Oui, Schoelcher à une place dans l’histoire de l’abolition de l’esclavage dans les colonies françaises mais certainement pas celle que l’Etat français veut lui donner. Les premiers abolitionnistes - pour une disparition immédiate et définitive de l’esclavage et du racisme - et qui ont payé de leurs vies leur combat ont été les esclavagisé.e.s. La Revolutiin haïtienne a fait cent fois plus que les abolitionnistes français pour que l’esclavage colonial prenne fin.
Ça m’énerve vraiment cette ignorance.Françoise Vergès
3 h
Deux jeunes militantes martiniquaises revendiquent publiquement le geste de déboulonner les statues de Schoelcher : « nous avons prévenu les maires et les élus. Ces statues sont des symboles qui nous insultent. Une statue c’est quelqu’un qu’on admire, là on nous crache dessus ».

Bravo à ces jeunes martiniquaises qui disent très justement qu’elles ne sont pas les premières à protester, qu’elles s’inscrivent dans une longue histoire de résistance au colonialisme français. Elles ont raison!

À lire toutes les indignations, on se demande ce qui se passe. On serait réconciliés???!!! Il n’y aurait plus rien à dire sur l’abolition de 1848? Il faudrait la célébrer sans dire que les colons furent indemnisés, le racisme maintenu, et le statut colonial imposé ?!!! Que la citoyenneté colonisée c’est quand même paradoxal. En oubliant que 1848, c’est le colonialisme français post-esclavagiste qui se déploie, écrasant les peuples d’Afrique et d’Asie? Que le même gouvernement qui abolit fait de l’Algerie des départements français scellant le colonialisme. Qu’en 1945, Césaire que tout le monde cite car il aurait honoré Schoelcher dénonçait de manière implacable ce que la colonisation française avait produit: misère, mauvaise santé, illettrisme, mépris de la culture, de la langue, de l’histoire. Se rappeler que Cesaire avait ajouté à ses remarques sur Schoelcher que son œuvre fut insuffisante. Que ces statues célèbrent le Schoelcherisme et que les jeunes de Martinique en ont assez. Que la Martinique reste dépendante de la France.

En leur temps 18 jeunes de l’Organisation de la jeunesse anticolonialiste de la Martinique (OJAM) avaient pour avoir placardé
« La Martinique aux Martiniquais » en 1962 furent emprisonnés à Fresnes accusés d’atteindre à la sûreté de l’Etat!!!
Jugés en 1964 dans un procès politique.
Pour avoir écrit ces mots justes.

Alors en 2020, des jeunes ont toujours le droit de défendre ce mot d’ordre
La Martinique aux Martiniquais.es.

Françoise Vergès

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