jeudi, janvier 25, 2018

Cyrille Bissette enfin réhabilité dans notre mémoire collective ?


Plusieurs initiatives permettront de célébrer cette année, le 170e anniversaire de l’abolition de l’esclavage dans les colonies françaises. Il serait opportun de redonner toute sa place au Martiniquais Cyrille Bissette dans le combat ayant abouti à l’interdiction du travail servile.

Justice sera-t-elle enfin rendue à Bissette, le premier militant martiniquais en faveur de l’abolition de l’esclavage ? L’histoire officielle a retenu le nom de Victor Schoelcher comme artisan de l’interdiction du travail servile dans les colonies françaises. Ce qui peut se comprendre, vu sa participation à ce combat. Membre du gouvernement provisoire, il a signé le décret du 27 avril 1848 déclarant illégale cette abomination.

Toutefois, nul ne doit plus méconnaître le rôle central de Cyrille Bissette dans cette révolution. Espérons qu’à l’occasion du 170e anniversaire de l’abolition de l’esclavage dans les colonies françaises, sa place éminente soit enfin reconnue. Accusé à tort, en décembre 1823, d’avoir distribué une brochure dénonçant la condition des mulâtres, ou hommes libres de couleur. Ce texte manuscrit, "De la situation des gens de couleur libres aux Antilles Françaises", est anonyme. Pourtant, Bissette est condamné lors d’un procès expéditif, le mois suivant.

L’historienne Stella Pame, auteure de la première biographie de Cyrille Bissette, rappelle que deux riches négociants mulâtres de Saint-Pierre, Monlouis Thébia et Joseph Eriché, ont été soupçonnés d’avoir amené secrètement cette brochure, de retour d’un séjour à Paris. Les preuves n’avaient aucune importance pour la Cour royale, composée de colons et d’alliés. Il leur fallait des boucs émissaires. Ce seront Bissette et deux soi-disant complices, Jean-Baptiste Volny et Louis Fabien.

Dans la foulée, pas moins de 200 hommes libres de couleur furent éloignés, de peur que leur influence ne devînt contagieuse. Békés et mulâtres se livraient alors une lutte politique et économique sans merci. Les premiers craignaient de perdre leur suprématie sur les seconds et leur fermaient toute possibilité d’ascension sociale.

Banni à Paris, Bissette s’attelle, dès 1825, à la fin du système esclavagiste, bien avant Schoelcher. Les deux hommes ne s’entendent pas. Le ministre écarte son rival des travaux de la commission préparant l’émancipation, en mars 1848. Il n’empêche, les faits sont têtus. Bissette est bel et bien l’abolitionniste martiniquais par excellence.

Jean-Marc Party
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