Napoléon Bonaparte : Né en Corse en 1769, mort en exil forcé à l’île de Sainte-Hélène le 5 mai 1821. Général d’armée, il se fit sacrer empereur des Français. Animé d’une volonté expansionniste, il s’est illustré par ses batailles victorieuses comme la campagne d’Egypte, autant que par des défaites retentissantes comme celle de Waterloo ou la désastreuse campagne de Russie. Il décida de rétablir l’esclavage des Nègres dans la Caraïbe par une loi du 20 mai 1802, après que ces derniers connurent sept années de liberté. Il ordonna l’envoi à Saint-Domingue, d’un corps expéditionnaire de 9 400 hommes mené par son beau-frère, le général Leclerc. La Guadeloupe allait subir le même traitement et contre elle aussi l’étendard sanglant de la tyrannie fut levé. Un corps expéditionnaire de 4 000 hommes commandés par Richepanse (dont une rue de Paris portait encore il y a peu le nom) débarquait. Le 10 mai 1802, le général Louis Delgrès, à la veille d’une bataille décisive fait une proclamation « A l’Univers entier, le dernier cri de l’innocence et du désespoir ». Le 28 mai 1802, vaincu, il se donnera la mort en se faisant sauter avec tous ses hommes sur le morne du Matouba au cri de : « Vivre libres ou mourir ! ». Le Général Richepanse fit payer lourdement la résistance aux troupes napoléoniennes par une répression impitoyable et une série d’exécutions (notamment celle de la mulâtresse Solitude, compagne de Delgrès qui allait enfanter), et de déportations dans les colonies espagnoles de milliers de Nègres remis en servitude. Bonaparte, le « premier des Français », fit arrêter par traîtrise le général Haïtien Toussaint Louverture qui avait successivement tenu en échec Anglais, Espagnols et Français lors de la révolte des esclaves Noirs qui faisait rage à Saint-Domingue depuis le 21 août 1791. L’ancien esclave de l’Habitation de Bréda, devenu brillant stratège, inventeur de la guérilla, premier grand leader anti-colonialiste de l’histoire, avait inscrit la révolte des esclaves noirs de Saint-Domingue dans l’histoire universelle. Bonaparte le fit déporter au Fort de Joux dans le Jura où il fut emprisonné le 23 août 1802. Jeté dans un cachot, tenu au secret, destitué de son grade de général, humilié, malade, laissé sans soins et sans jamais avoir été jugé. Le « premier des Noirs » est trouvé mort dans sa cellule le 7 avril 1803. En novembre de la même année, l’indépendance d’Haïti sera arrachée. « Haïti, où la Négritude se mit debout pour la première fois et dit qu’elle croyait en son humanité » fut la plus riche des colonies. Elle paie encore aujourd’hui l’audace d’avoir levé la tête face au monde occidental. Fait longtemps tenu caché, révélé par l’historien Claude Ribbe et reconnu par Thierry Lentz, historien à la Fondation Napoléon, Bonaparte fit gazer des combattants de la liberté au dioxyde de souffre. Les colonies françaises devront attendre 1848 pour voir l’esclavage des Nègres définitivement aboli.
La république française s’apprête à commémorer les « hauts-faits » de Napoléon Bonaparte ce samedi 3 décembre 2005 avec le bicentenaire de la bataille d’Austerlitz. On a les héros qu’on peut. La valeur des nôtres ne se mesure pas au nombre de cadavres laissés dans leur sillage, ni au nombre de territoires conquis, ni au nombre de peuples dominés ou exterminés, anéantis. Mais à la légitimité des combats qu’ils ont dû mener pour défendre la liberté. Valeur républicaine s’il en est, écrite au fronton de la nation française. Pour notre part, proclamons bien haut :
A l’Univers entier, notre cri de colère et d’indignation ! Alors que l’Assemblée Nationale de la France a voté une loi en février 2005 demandant que les enseignants mettent l’accent sur les « aspects positifs de la colonisation » en Outre-mer et en Afrique du Nord. Disons que cette loi est scélérate. Qu’elle va à l’encontre des principes de la République. Demandons à tous, épris des valeurs de justice et de liberté, de se désolidariser de ces représentants de l’Etat qui l’ont votée. Enjoignons tous les professeurs d’Histoire à refuser de l’appliquer au nom de l’esprit même de la République.
Pour ce qui est de la colonisation, que dire de plus qu’Aimé Césaire ?
« Je vois bien ce que la colonisation a détruit : les admirables civilisations indiennes et que ni Deterding, ni Royal Dutch, ni Standard Oil ne me consoleront jamais des Aztèques ni des Incas. […]Sécurité ? Culture ? Juridisme ? En attendant, je regarde et je vois, partout où il y a, face à face, colonisateurs et colonisés, la force, la brutalité, la cruauté, le sadisme, le heurt et, en parodie de la formation culturelle, la fabrication hâtive de quelques milliers de fonctionnaires subalternes, de boys, d’artisans, d’employés de commerce et d’interprètes nécessaires à la bonne marche des affaires.J’ai parlé de contact.Entre colonisateur et colonisé, il n’y a de place que pour la corvée, l’intimidation, la pression, la police, l’impôt, le vol, le viol, les cultures obligatoires, le mépris, la méfiance, la morgue, la suffisance, la muflerie, des élites décérébrées, des masses avilies.Aucun contact humain, mais des rapports de domination et de soumission qui transforme l’homme colonisateur en pion, en adjudant, en garde-chiourme, en chicote et l’homme indigène en instrument de production.A mon tour de poser une équation : colonisation = chosification.J’entends la tempête. On me parle de progrès, de « réalisations », de maladies guéries, de niveaux de vie élevés au-dessus d’eux-mêmes.Moi, je parle de sociétés vidées d’elles-mêmes, de cultures piétinées, d’institutions minées, de terres confisquées, de religions assassinées, de magnificences artistiques anéanties, d’extraordinaires possibilités supprimées.On me lance à la tête des faits, des statistiques, des kilométrages de routes, de canaux, de chemin de fer.Moi, je parle de milliers d’hommes sacrifiés au Congo-Océan. […] Je parle de millions d’hommes arrachés à leurs dieux, à leur terre, à leurs habitudes, à leur vie, à la vie, à la danse, à la sagesse.Je parle de millions d’hommes à qui on a inculqué savamment la peur, le complexe d’infériorité, le tremblement, l’agenouillement, le désespoir, le larbinisme. » In : « Discours sur le colonialisme » ; 1955
Guadeloupe, le 30 novembre 2005
Jocelyn ValtonCritique d’Art, AICA
Jocelyn ValtonCritique d’Art, AICA
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