dimanche, avril 10, 2011

Le Royaume-Uni confronté à son passé colonial

Trois des Kenyans en procès contre le gouvernement britannique

Quatre Kényans réclament des réparations pour des tortures commises il y a 50 ans lors de la révolte des Mau Mau. 


Le procès très inhabituel qui s'est ouvert jeudi devant la haute cour de justice de Londres rouvre un des volets les plus sanglants et les plus sombres de l'histoire coloniale britannique. Les quatre plaignants, âgés entre 70 et 90 ans, sont venus du Kenya pour réclamer au gouvernement britannique des dédommagements pour les tortures qu'ils ont subi lors de la violente répression de la révolte des Mau Mau au Kenya il y a plus de cinquante ans.

Le premier ministre David Cameron, lors d'une visite au Pakistan, a lui aussi provoqué de très vives réactions en estimant que l'ancien empire britannique était responsable de nombreux conflits actuels sur la planète. Interrogé sur le rôle possible de la Grande-Bretagne pour résoudre le conflit du Cachemire, il a répondu qu'il ne voulait pas intervenir, car «comme c'est le cas pour un si grand nombre de problèmes dans le monde, nous en sommes les premiers responsables». Sa remarque a été très bien accueillie à Islamabad, mais de nombreux Britanniques l'accusent de faire preuve de naïveté sur la complexité de l'histoire post-coloniale.
Les propos du premier ministre résonnent en tout cas de manière très forte au moment où s'ouvre le procès des Mau Mau à Londres.

Les archives rendues publiques

Les historiens estiment que pas moins de 150.000 Kényans suspectés de soutenir les Mau Mau, un mouvement de résistance armée qui s'attaquait aux forces coloniales et aux fermiers blancs, ont été mis en détention dans des camps par les Britanniques entre 1952 et 1961. La répression avait été très violente, et le conflit avait entraîné la mort de près de 11.000 Africains et de 32 Blancs.

Les quatre Kényans ont expliqué jeudi au juge Richard McCombe les tortures qu'ils avaient subi pendant les années passées dans les camps. Deux d'entre eux ont été castrés par leurs gardes, une autre a été violée et un dernier suspendu par les pieds et battu avec des bâtons.

Les avocats du Foreign Office ne nient pas la gravité des faits mais ils argumentent que le procès n'a pas lieu d'être, et que le gouvernement britannique ne peut être tenu responsable de faits commis au Kenya il y a plus de cinquante ans. D'après l'avocat Robert Jay, la responsabilité juridique de l'ancien pouvoir colonial local a été transférée au gouvernement kényan après la déclaration d'indépendance en 1963.

Quelle que soit l'issue du procès qui doit encore durer sept jours, les historiens britanniques se félicitent du fait que le Foreign Office ait été obligé de rendre public le mois dernier toutes ses archives se rapportant à cette époque coloniale. Sur un total de 2000 cartons que le ministère va transmettre aux archives nationales, au moins 300 contiennent des documents confidentiels qui n'avaient pas été transmis au gouvernement kényan après l'indépendance. Les autres caisses contiennent potentiellement des informations explosives sur le rôle du Royaume-Uni lors d'autres crises coloniales, comme lors des révoltes arabes en Palestine dans les années 1930, à Chypre en 1955 ou pendant l'insurrection communiste en Malaisie en 1948.


Cyrille Vanlerberghe

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