Il s’agit de “colonnes”, selon le latin “columna”, lui-même venant de “columen” signifiant ce qui atteint le sommet, l’apogée, et elles sont toutes érigées soit par les hommes, soit en eux-mêmes. Et ceci, sous l’attraction du “Ka”, l’insoupçonné “tropisme céleste” que les naturalistes, soucieux de ne pas utiliser des appellations de forme ésotérique pour ne pas faire perdre de crédit à leurs publications, désignent comme étant un “géotropisme négatif”, ce qui est incorrect parce que la nécessité “directionnelle” d’un tropisme, fait qu’il ne peut justement pas être négatif.
Ce “ka”, qui est celui des Egyptiens, est un exercice résultant de la “métaphysique” que constitue la collectivité “informelle” des humains, laquelle comme telle les “transcende”, et qui les détermine à elle c’est à dire à un “au-delà” de leurs singularités.
A cet instant, il convient de bien envisager selon ses différentes acceptions, les différentes implications de la locution “au-delà”.
Ce Ka qui détermine les humains à un au-delà de leur singularité, les détermine en fait à leur collectivité, laquelle constitue la “dimension supérieure de l’humain”, la seule possible, même si des doctrinaires suprématistes européens mal inspirés, ont prétendu reconnaitre cette dimension supérieure chez des individus, lesquels auraient ainsi été des individus supérieurs, ce qui n’a strictement aucun sens...
Il doit être bien entendu et une bonne fois pour toutes qu’il ne peut exister qu’une dimension supérieure de l’humain, c’est sa “dimension collective”, et que si les sociétés occidentales se sont montrées durant cinq siècles plus efficaces que les autres, ce n’est certainement pas parce que leurs citoyens constituaient individuellement des hommes d’une nature supérieure aux autres, mais tout simplement parce que les règles régissant leurs “collectivités”, se sont révélées plus adaptées dans les conditions qui étaient alors les leurs, que les règles régissant les autres sociétés, et rien d’autre...
Il est donc plus que temps de cesser de rechercher des raisons “naturelles”, dans la génétique des individus, pour justifier des dispositions “culturelles”, celles de la structuration collectives des sociétés...
Cette détermination à sa dimension supérieure sous l’exercice du Ka, est donc une détermination de l’humain à un dépassement de lui-même, afin d’atteindre son excellence, et elle se manifeste par sa tentative d’atteindre les sommets, l’inaccessible, les cieux...
Il est manifeste à ce sujet que les sociétés puissantes et en bonne santé, bâtissent des structures audacieuses, et c’est ainsi que la France de la fin du 19ème siècle, au fait de sa puissance et de sa magnificence, bâtira la Tour Eiffel, que les Etats Unis l’ayant supplanté dans l’entre deux guerre au statut de première puissance mondiale, bâtiront “l’Empire States”. Et, c’est aujourd’hui la Chine qui manifeste sa volonté de primauté en bâtissant la gigantesque tour “ Sky City”, dont la hauteur fut augmentée de dix mètres, pour atteindre les 838m et dépasser ainsi l’actuelle tour “Burg Khalifa” de Dubaï, avec ses 828m.
Les constructions gigantesques de l’Egypte ancienne, qui étaient bien sûr dédiées au monde métaphysique de l’au-delà, objet de sa préoccupation permanente, avec leurs pylônes, colonnades et obélisques impressionnants, ne répondaient pas à une autre détermination que celle-là...
C’est selon cette même détermination que l’humain va progressivement se redresser pour s’établir dans sa station debout, manifestation emblématique de son acquis culturel, au fur et à mesure qu’il va se socialiser, et par le fait, se civiliser, et contrairement à ce que continuent encore de penser certains, cette attitude de l’humain ne doit absolument rien à un quelconque phénomène adaptatif.
En effet, le Ka qui est “métaphysique” en ce sens qu’il n’est pas réductible aux individualités qu’il transcende, mais qui possède forcément une traduction “physique” au niveau de celles-ci sans laquelle il ne pourrait évidemment pas les concerner, possède selon cette physique une résolution “magnétique”. Il se traduit alors par un exercice sur les hématies du sang, dans les réseaux complexes de l’oreille interne selon lesquels nous nous établissons en équilibre, ce qui crée chez l’humain un sentiment de mieux être, selon le sens de son exercice, c’est à dire selon la verticalité, et c’est la raison pour laquelle les humains se sont redressés.
Ka étant le fait exerçant, le fait exercé est dit quant à lui “ak” et, avec un “n” signifiant la particule “de”, dans le sens de “ce qui participe de”, les colonnes érigées selon le Ka étaient dites “nak”. Quant elles étaient de pierre, elles était alors dites “ kar-nak”, autrement dit les “colonnes de pierre”, ce qui avec les autres acceptions du mot “kar”, qui désigne également le “foyer“, et le “sanctuaire” ( il serait trop long de le développer cela ici...), donne comme autre acception cohérente du nom Karnak, qu’il s’agisse alors de celui de Bretagne ( Carnac ), ou de celui d’Egypte, les “colonnes du sanctuaire”...
La colonne vertébrale de l’humain, redressée sous l’action du Ka fut finalement dite quant à elle “nuque”, parce que le terme nak à voyagé depuis l’Egypte à travers l’arabe en devenant “nukha”. Mais cette appellation est réservée aujourd’hui à la seule partie demeurant habituellement visible de cette colonne, celle de l’arrière du cou...
On retrouve dans de nombreuses langues le terme “nak” pour signifier une colonne ou une forme quelconque d’érection, avec une forme dérivée “nike”, pour désigner le sexe en érection qui chez les Grecs, était évocateur de la domination, et par là, de la “victoire”, raison pour laquelle ce mot grec fut repris par une entreprise d’équipements sportifs. Quant à l’argot, il en a fait son affaire avec l’expression “niquer”...
D’autre part, les géants étaient désignés dans les temps anciens par le terme “anak”, et un de ceux-la dit justement Anak, devint l’ancêtre éponyme des “Anakim”, cités dans la bible.
Soyons alors attentifs maintenant dans le fait que si selon l’acception “spatiale” de la locution “au-delà”, il s’agit de l’au-delà des singularités des individus, autrement dit de leur collectivité, dans une acception cette fois “temporelle” de cette locution, qui est inévitable dans un univers où tout possède forcément une résolution ’spatio-temporelle”, il s’agit cette fois de l’au-delà de “l’actualité” des individualités, autrement dit, de leur “avenir”.
L’au-delà c’est “l’avenir”, auquel nous nous trouvons déterminé par le fait de l’exercice sur nous du Ka, qui est donc l’exercice selon lequel nous nous trouvons soumis au temps, et qui comme tel nous sous-tend dans notre “être”.
C’est pourquoi les Egyptologues ont identifié le Ka à “l’âme” de l’individu, mais selon une formulation trompeuse compte tenu de la compréhension qui est habituellement la nôtre du terme “ âme ”. Car si le Ka exerce bien en nous étant “sous-jacent”, il exerce sur nous, donc de l’extérieur de nous, de sorte que cette âme ne se situe absolument pas à l’intérieur des individus comme nous l’envisageons habituellement, à partir des enseignements religieux.
L’attraction du Ka qui crée notre tentation d’au-delà, crée ainsi notre tentation d’avenir, c’est à dire celle de nous prolonger par notre descendance, selon un acte des hommes et par la voie des femmes. C’est donc également selon ce Ka que se trouve établie notre détermination au sexe, avec une résolution contradictoire selon la dualité des sexes, et qui fait que si selon cet exercice, les hommes sont constamment “tentés”, les femmes quant à elle sont constamment “en attente”.
C’est d’ailleurs bien ainsi que le comprenaient les anciens qui dans leur préoccupation quant à la métaphysique de l’au-delà, ont érigé des colonnes en forme de phallus, lesquelles relevaient alors d’un “éros sacré”, celui dont l’objet était la procréation, comme obligation envers l’au-delà transcendant, logique de la pluralité, et la collectivité...
Ce qu’il nous faut retenir de cela c’est qu’aucune tentative d’excellence ne se peut depuis l’exclusion d’une société, et qu’il est inutile d’espérer stupidement cette excellence de la part des exclus confinés dans les “quartiers”, et que la toute première chose à faire avant d’en espérer quoi que ce soit, c’est de les réintégrer...
L’autre enseignement, c’est qu’une société à ce point dissolue comme l’est la nôtre, pour laquelle l’exercice du Ka, logique de collectivité, est au plus bas, ne possède absolument pas les moyen de mettre en œuvre les ambitions qui lui permettraient de sortir de ses difficultés actuelles, et que notre seule chance dans ces conditions de nous en sortir, c’est de procéder tout d’abord et de toute urgence à une très ardente “re-socialisation”, de ce qui doit justement redevenir et demeurer, note société...
Paris, le 30 novembre 2013
Richard Pulvar