jeudi, mai 08, 2014

Lettre ouverte à Monsieur Franck Briffaut Maire de Villers-Cotterêts (Aisne)


Monsieur le Maire,

Vous fûtes, un temps, conducteur de travaux dans le génie militaire.
Aujourd'hui, maire de Villers-Cotterêts par la grâce d'une crise qui a fait apparaître aux yeux du peuple un génie jusque-là invisible et naître l'espérance de grands travaux dans cette ville au passé chargé d'histoire, vous avez révélé la vraie nature de la formation politique à laquelle vous appartenez.

Le fief des Valois, et surtout de François 1er, brille encore des lumières allumées par ce dernier lorsqu'il publia l'Ordonnance de Villers-Cotterêts le 10 août 1539.

Ce fut alors le vrai début d'une France authentique, car non seulement ses articles 50 à 54 peuvent être considérés comme les prémisses de l'état civil dans notre pays, mais surtout ses articles 110 et 111, en imposant la rédaction des actes officiels et notariés en français et non plus en latin, ont définitivement imposé la langue française et consacré Villers-Cotterêts sinon comme son lieu de naissance, du moins comme le point de départ de ce qu'elle est devenue.

Vous venez cependant de révéler votre vraie nature en refusant de célébrer à Villers-Cotterêts la journée nationale de commémoration de l'esclavage, alors même que le préconisent la loi n°2001-434 du 21 mai 2001 et son décret d'application n° 2006-3338 du 31 mars 2006, lequel précise qu' « à la date de la commémoration annuelle de l'abolition de l'esclavage, une cérémonie est organisée dans chaque département métropolitain à l'initiative du préfet ainsi que dans les lieux de mémoire de la traite et de l'esclavage ».

Nul ne peut ignorer que Villers-Cotterêts est à tout jamais lieu de mémoire de la traite et de l'esclavage puisque le célèbre général Dumas, fils d'esclave, héros des guerres révolutionnaires, y avait trouvé refuge et que s’y trouve sa tombe. Une plaque est d'ailleurs apposée sur l'immeuble où il est mort.
Mais Villers-Cotterêts est aussi un haut-lieu de la littérature française puisqu’Alexandre Dumas, son fils, l'écrivain français le plus célèbre et le plus lu dans le monde, y est né et y a vécu, justifiant par son seul génie de la langue française l'ordonnance de Villers-Cotterêts.

Ce petit-fils d'esclave, dont la statue trône sur la place centrale de la ville, a dû se retourner dans sa tombe en entendant les propos négationnistes que vous avez récemment tenus dans une vidéo du site de L'Express. Comme si les quatre cent douloureuses années pendant lesquelles des millions d'êtres humains, avilis, soumis aux pires humiliations, aux pires tortures, n'avaient jamais existé.

La République française s'honore pourtant d'avoir réussi, à sa deuxième tentative, à guérir la plaie hideuse de l'esclavage qui la rongeait et ternissait son image. 

Il est donc normal à vos yeux d’honorer, comme vous l’avez fait le 29 avril, les « morts pour la France en Indochine », en rejoignant, par votre refus du 10 mai, sous couvert d’éviter une « auto-culpabilisation permanente », tous les nostalgiques de la période coloniale. 

Vous avez effectivement montré votre vrai visage, le même que ceux qui, dans le passé, indifférents à la souffrance des hommes qu'ils avaient réduits en esclavage, ne considéraient que leurs intérêts matériels tout en jouissant de leur pouvoir sur leurs semblables.

Reste que vos propos et la décision indigne que vous avez prise, outre qu’ils vous dévoilent aux yeux de vos propres administrés, ne peuvent qu’inciter toutes les forces républicaines et progressistes à venir, le 10 mai 2014, dans votre ville, devant l’ancien Hôtel de l’Epée, où est mort en 1806 le général Alexandre Dumas, pour commémorer, au nom de la France, l’abolition de l’esclavage.

Veuillez, Monsieur le Maire, recevoir l’expression de nos sentiments distingués.

Pour le Conseil d’Administration
Le Président

José PENTOSCROPE
Le 3 mai 2014

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