Plusieurs initiatives permettront de célébrer cette année, le 170e anniversaire de l’abolition de l’esclavage dans les colonies françaises. Il serait opportun de redonner toute sa place au Martiniquais Cyrille Bissette dans le combat ayant abouti à l’interdiction du travail servile.
Justice sera-t-elle enfin rendue à Bissette, le premier militant martiniquais en faveur de l’abolition de l’esclavage ? L’histoire officielle a retenu le nom de Victor Schoelcher comme artisan de l’interdiction du travail servile dans les colonies françaises. Ce qui peut se comprendre, vu sa participation à ce combat. Membre du gouvernement provisoire, il a signé le décret du 27 avril 1848 déclarant illégale cette abomination.
Toutefois, nul ne doit plus méconnaître le rôle central de Cyrille Bissette dans cette révolution. Espérons qu’à l’occasion du 170e anniversaire de l’abolition de l’esclavage dans les colonies françaises, sa place éminente soit enfin reconnue. Accusé à tort, en décembre 1823, d’avoir distribué une brochure dénonçant la condition des mulâtres, ou hommes libres de couleur. Ce texte manuscrit, "De la situation des gens de couleur libres aux Antilles Françaises", est anonyme. Pourtant, Bissette est condamné lors d’un procès expéditif, le mois suivant.
L’historienne Stella Pame, auteure de la première biographie de Cyrille Bissette, rappelle que deux riches négociants mulâtres de Saint-Pierre, Monlouis Thébia et Joseph Eriché, ont été soupçonnés d’avoir amené secrètement cette brochure, de retour d’un séjour à Paris. Les preuves n’avaient aucune importance pour la Cour royale, composée de colons et d’alliés. Il leur fallait des boucs émissaires. Ce seront Bissette et deux soi-disant complices, Jean-Baptiste Volny et Louis Fabien.
Dans la foulée, pas moins de 200 hommes libres de couleur furent éloignés, de peur que leur influence ne devînt contagieuse. Békés et mulâtres se livraient alors une lutte politique et économique sans merci. Les premiers craignaient de perdre leur suprématie sur les seconds et leur fermaient toute possibilité d’ascension sociale.
Banni à Paris, Bissette s’attelle, dès 1825, à la fin du système esclavagiste, bien avant Schoelcher. Les deux hommes ne s’entendent pas. Le ministre écarte son rival des travaux de la commission préparant l’émancipation, en mars 1848. Il n’empêche, les faits sont têtus. Bissette est bel et bien l’abolitionniste martiniquais par excellence.
Jean-Marc Party
source
" Le Code de l'indigénat fut adopté le 28 juin 1881. Puis c'est en 1887 que le gouvernement français l'imposa à l'ensemble de ses colonies. En général, ce code assujettissait les autochtones et les travailleurs immigrés aux travaux forcés, à l’interdiction de circuler la nuit, aux réquisitions, aux impôts de capitation (taxes) sur les réserves et à un ensemble d’autres mesures tout aussi dégradantes. Il s'agissait d'un recueil de mesures discrétionnaires destiné à faire régner le «bon ordre colonial», celui-ci étant basé sur l'institutionnalisation de l'inégalité et de la justice. Ce code fut sans cesse «amélioré» de façon à adapter les intérêts des colons aux «réalités du pays».
Le Code de l'indigénat distinguait deux catégories de citoyens: les citoyens français (de souche métropolitaine) et les sujets français, c’est-à-dire les Africains noirs, les Malgaches, les Algériens, les Antillais, les Mélanésiens, etc., ainsi que les travailleurs immigrés. Les sujets français soumis au Code de l'indigénat étaient privés de la majeure partie de leur liberté et de leurs droits politiques; ils ne conservaient au plan civil que leur statut personnel, d'origine religieuse ou coutumière.
Tout compte fait, le colonialisme pratiqué en Nouvelle-Calédonie, en Algérie, à Madagascar, etc., s’apparentait à une sorte d’esclavage des populations autochtones: celles-ci étaient dépouillées de toute leur identité. Ce système colonial odieux, qui paraît sans aucun doute honteux aujourd’hui, semblait normal à l’époque et d'autres pays pratiquaient des politiques similaires. Le Code de l'indigénat était assorti de toutes sortes d'interdictions dont les délits étaient passibles d'emprisonnement ou de déportation. Ce système d'inégalité sociale et juridique perdura jusqu’en 1946, soit plusieurs années après que les accords de Genève (le 23 avril 1938) eurent interdit toute forme de travaux forcés.
Après la loi du 7 avril 1946 abolissant le Code de l'indigénat, les autochtones (Nouvelle-Calédonie, Madagascar, Algérie, etc.) purent à nouveau circuler librement, de jour comme de nuit, et récupérer le droit de résider où ils voulaient et de travailler librement. Cependant, les autorités françaises réussirent à faire perdurer le Code de l'indigénat en Algérie pratiquement jusqu'à l'Indépendance (1962). "
Très tôt, la colonisation a vu les noirs entre eux s’adonner à certaines formes de dénigrement et de rejet de l’autre, parfois même au sein d’une même ethnie. La première vague d’esclaves arrivée dans les îles étant originaire d’Afrique de l’ouest, Cap-Vert, Casamance et autre haut-Sénégal, ils ne vont pas se gêner de stigmatiser ceux qui venaient après, ces infortunés serviles de la deuxième vague, que les premiers appelaient indifféremment de manière dédaigneuse « nègres-Guinée ».
Les premiers, qui prenaient un malin plaisir à se désigner comme « créoles », n’hésitaient pas à faire comme le maître, traitant leurs congénères de « bossales », les fustigeant plus souvent que rarement d’un « Sacré vié nèg-djiné !» s’agissant de les remettre à leur place. Plus tard, les Nèg-Djiné feront de même puisqu’à leur tour ils diront méchamment aux Congos, les derniers arrivés, de retourner chez eux, en Afrique (mais cela, c’est pour une toute autre raison). Pire, comme je le disais au début, la stigmatisation, voire le racisme, existait au sein de gens de même ethnie. Les esclaves ne se mariaient pratiquement pas (une explication vous sera donnée dans un prochain post). Mais quand cela arrivait, il était très difficile à un esclave issu de l’atelier de s’unir à une femme venant de la domesticité. Kidonk, un parent qui était domestique voyait très mal sa fille se marier avec un nègre de jardin. À un plus haut échelon, cela se constatait également, puisque le mulâtre se voyait très mal venir dire oui devant monsieur l’abbé avec une « négresse » au bras. Dire que de nos jours certains ont du mal à comprendre le « nèg kont nèg »
! Bonne journée à tous !
Josepha Luce