jeudi, octobre 31, 2019

Sur la carte postale : Tambours et danses mandingues (malinké) au début du XXè siècle


Les archives françaises d'outre mer mentionnent la présence de Mandingues dans les colonies antillaises, suite à leur déportation outre Atlantique pour y être mis en esclavage.

Par exemple, dans son étude, Bernard DAVID rapporte que "le registre (paroissial tenu pour les esclaves) du Carbet (Martinique) est exceptionnellement riche en indications sur la "nation" des Africains introduits ; il nous donne des renseignements sur 246 des 399 baptisés de 1812 à 1831". Les Calvaires : 38; les Caplahou : 47; les Ibos : 73; les Congos : 46; les Mandingues : 15; etc. voir son article dans les Annales des Antilles, n°20, 1977, p.101
voire aussi l'article de Guillaume DURAND page 253 :
https://www.persee.fr/doc/onoma_0755-7752_2002_num_39_1_1431

Pour certains d'entre ces Africain.e.s affranchi.e.s en 1848, il est possible de recouper la "nation" d'origine par le croisement des archives, quand cette information n'est pas livrée directement par un acte.
https://www.amazon.fr/dp/2956833405

vendredi, octobre 18, 2019

Les trois fêtes du Carbet


Les renseignemens suivans par le curé du Carbet, transmis à ses successeurs, à l'occasion de la fête de la St Jacques, il les a recueillis de la dernière religieuse ursuline qui les lui a racontés sous forme de conversation en 1826.

Je dois, avant tout, dire que ces trois fêtes ont été un peu déra(ngées?) par la révolution de Juillet 1830, car ces trois fêtes, coïncidant à peu près avec les trois journées, nos gouvernans avaient profité de cette coïncidence pour flatter le pouvoir régnant, et avaient par la voie de la police, ordonné que ces fêtes se feraient en mémoire de la lib(erté?) que la France croyait avoir conquise à l'avènement de Louis-Philippe au trône. 

Cette interprétation ne plut pas à tout le monde, et ces fêtes devinrent moins bruyantes parce qu'elles n'étaient pas fréquentées par une aussi grande affluence que par le passé.

A l'époque de la liberté générale en 1848, il y avait un grand refroidissement à cause des inquiétudes des différentes castes dont est composée la société coloniale, quoi qu'on en dise. Mais peu à peu, les personnes intéressées à les voir se raviver, c'est à dire les négocians, les marchandes de bombons et de rafraichissemens, ont, par leurs sollicitations auprès des magistrats, obtenu que la population de St Pierre et du Carbet, auraient une entière liberté de circuler et de s'amuser à l'occasion de la fête du Carbet et les deux jours suivant.

Ainsi ont commencé ces ébats populaires que l'on décore hardiment du nom de fête.

Voici donc comment ont commencé les deux fêtes qui suivent celle du Carbet ; car celle-ci a pris naissance à la naissance de la paroisse, par la bénédiction de son église sous le vocable de St Jacques le Majeur qui se célébrait toujours avant le concordat de 1801 le 25 juillet quelque fut le jour de la semaine où cette fête tombat. Mais depuis le concordat, cette fête est renvoyée au dimanche suivant.

Les marchandes de bombons qui ont coutume d'en faire plus qu'elles n'en peuvent vendre, profitaient d'une fête de Ste Anne qui était la seconde patronne du couvent des ursulines et qui se célébrait le 26 juillet, pour aller le lendemain de la St Jacques à la porte d'une cour du couvent, laquelle s'ouvrait du côté de la savanne, et sur laquelle, plus tard, furent construites les premières casernes. Là, les esclaves du couvent auxquels les religieuses avaient donné congé, s'amusaient, dansaient, même entre eux, venaient acheter les bombons restés de la St Jacques. Les gardiennes d'enfans, sachant qu'il y avait des bombons, se réunissaient là pour amuser leurs enfans, et (?) se mettaient à danser en dehors comme en dansant en dedans. Plus tard, d'année en année, par progression d'autres que des gardiennes d'enfans, sont venus se joindre à cette foule et l'ont grossie. Telle est l'origine de la seconde fête appelée Ste Anne.

Reste le troisième fête, appelée fête MACAQUE parce qu'elle n'a aucune généalogie avec une fête religieuse.

Voici pourtant comment elle s'établit.

La fête de Ste Anne qui se faisait le long de la rivière du fort rive gauche, attirait beaucoup de personnes de la campagne, car les habitans, eux aussi, avaient donné congé à leurs esclaves, et ceux venus de tous les points et surtout de la campagne qui s'étend au delà de la Rivière des pères, et jusqu'au Prêcheur, passaient quelques fois la nuit en ville et s'en retournaient le troisième jour, débouchant par le quartier de la galère. Les bombons ne rassasient jamais, ceux-ci reparurent encore au passage de ceux qui retournaient à leurs foyers, ca les fabricantes en faisaient toujours un peu plus chaque année, et pour ne pas les garder à leurs compte, elles allaient les présenter aux passans, et, comme la veille, établissaient des tables chargées de bombons et de liqueurs. Les papas et les mamans en achetaient pour en porter à leurs enfans. Les Da (bonnes d’enfants) de la ville, allaient sur les bords de la Rivière, comme elles allaient la veille sur les rives de celle du fort, et y recommençaient leurs danses et leurs ébats comme la veille. Les gens de la campagne s’en mêlaient ayant obtenu la permission de leurs maîtres. Ainsi s’est établie la fête appelée Macaque par ce qu’elle était une singerie de celle de la veille.

Ces deux fêtes n’ont pas d’autre origine.

Ces fêtes ont été très bruyantes, très brillantes, et se prolongeaient très avant dans la nuit. Les esclaves y étalaient tout le luxe dont ils étaient capables ; luxe auquel les maîtres contribuaient, en prêtant aux esclaves, bons sujets, leurs montres, chaînes, boutons, boucles d’oreilles, et quelques fois des robes de soie. Chaque tribu africaine avait son pavillon que portait la reine du Bal ; chacune avait sa danse particulière qui semblait n’avoir pas d’ordre, qui cependant était régulière en son genre. Outre ces danses, il y avait aussi des espèces de Baladins qui faisaient des tours de force surprenants ; c’était à qui ferait les sauts les plus périlleux ; j’en ai vu qui, étant debout, se lançaient, les pieds en l’air, et qui retombaient debout, derrière la place qu’ils occupaient. Ce tour de force se voit rarement en France ; d’autres nègres marchaient sur leurs mains, les pieds en l’air.

On peut encore voir quelques échantillons de ces prestiges des danses qui se font à la St Jacques du Carbet, et aux fêtes qui suivent car, depuis quelques années, ces fêtes se raniment et deviennent de plus en plus fréquentées. Celle du Carbet attire tous les curieux de St Pierre. Depuis que les bateaux à vapeur sont établis, ceux-ci crachent toute la journée, par de fréquents voyages, une foule qu'il n'est pas permis d'apprécier. Le tunnel, ouvert cette année, facilitera encore d'avantage la population, surtout celle qui n'a pas le gousset bien garni. »

Journal de l'abbé Goux et de ses successeurs, numérisé et accessible en ligne sur le site internet des archives départementales de la Martinique (http://www.patrimoines-martinique.org/ark:/35569/a011386268758QdBTtc/1/22)

A propos du rôle joué par les Africains du Carbet :
https://www.amazon.fr/registre-matricule-tradition-ancestrale-africaine/dp/2956833405

dimanche, octobre 06, 2019

Dorothée, la fille du roi Louis XIV ?


Lorsque j’ai publié mon livre sur la Mauresse de Moret en novembre 2012, on ne connaissait l’existence que d’une seule princesse noire, née à la cour de Louis XIV. Les uns disaient à l’époque que c’était la fille du roi. Les autres prétendaient en revanche que c’était l’enfant de la reine Marie-Thérèse, née de sa liaison avec son page dahoméen Nabo.

Depuis la sortie de ce livre, la recherche a fait un bond spectaculaire, grâce au chercheur Serge Aroles, qui a retrouvé, dans les archives françaises, une deuxième femme noire, devenue nonne, elle aussi, et dont le père serait Louis XIV. Cette femme s’appelle Dorothée. Elle a été placée chez les religieuses ursulines d’Orléans.

Comme la Mauresse de Moret, elle recevait une pension du roi et faisait l’objet d’une attention particulière dans son couvent. La mère de Dorothée pourrait avoir été une comédienne africaine, vendue au premier comédien de Louis XIII, pour jouer les rôles de « sauvagesse » au château de Versailles.

Serge Aroles écrit: "En 1700, le roi fit venir Dorothée, depuis les ursulines d’Orléans, jusqu’à un couvent de Paris, durant 3 mois, sans autre raison crédible que de la voir. Et si l’on avait encore quelque doute sur la paternité royale, sachons que le souverain fit escorter Dorothée, entre les deux villes, par l’un de ses écuyers-conseillers, grand officier de sa Maison militaire".

C’est important de voir que la recherche avance sur les personnages noirs qui ont traversé ce pays et qui incarnent, trop souvent encore, la face cachée ou méconnue de l’Histoire de France. Au-delà de mon livre, qui a été revue et abondée, pour intégrer une partie des recherches de Serge Arolès sur Dorothée, j’espère voir aboutir bientôt l’adaptation au théâtre de cet ouvrage sur la Mauresse. La pièce est en cours d’écriture à Londres. Wait and see…



Serge Bilé