lundi, mai 07, 2012

159 ans de présence indienne : de l’oubli à la lumière


Journée propice à la réflexion. 
En ce 6 mai, date de l’arrivée des premiers indiens à la Martinique, j’ai consulté, non sans curiosité, le site web de l’unique quotidien en ligne de l’île. La lecture fut rapide. J’ai parcouru, avec attention, l’ensemble des articles proposés aux internautes. J’ai retenu l’intérêt de l’article intitulé « À Sainte-Marie, bébé participe au vote » et un autre « J’ai voté Jah du premier coup ». Touchée par l’exhaustivité des articles relatifs à la campagne présidentielle, j’ai pris le parti, de cliquer sur tous les onglets du quotidien et rien ! Sur un territoire où les commémorations font légion, pas un mot, pas une phrase qui mentionneraient l’arrivée et l’histoire des travailleurs engagés indiens. 

 Pour mémoire, le 6 mai 1853, le navire l’Aurélie débarque à la Martinique avec à son bord 314 indiens ou « Anglo-Indiens » selon les terminologies.

Aujourd’hui, aucun lieu de mémoire. 

Pourtant, d’aucuns reconnaissent que la culture créole n’aurait pas vu le jour, sous la forme du « Tout Monde », que nous lui connaissons s’il n’y avait pas eu cet apport tamoul. 

Certains intellectuels s’émeuvent officieusement du cruel oubli qui déshumanise les Indiens et leurs descendants. On regrette l’absence de l’histoire des engagés indiens dans les musées ou encore dans les manuels scolaires.

Forts d’une mémoire collective qu’ils ne veulent plus occulter, à l’initiative du Conseil Régional de la Martinique, un certain nombre d’acteurs travaillent avec l’écrivain Camille Moutoussamy à la construction d’un Centre Culturel et Relationnel Indo-Caraïbéen sis à Au-Béro dans la ville capitale de Fort-de-France. 

La lumière au bout du tunnel ? 

Au final, l’apport indien ou la présence indienne à la Martinique sont des thématiques qui alimentent et continueront à alimenter une nécessaire réflexion. Est-ce qu’il appartient aux seuls descendants d’indiens de la mener ? Je ne suis pas convaincue. 

La traversée de l’Inde vers la Caraïbe témoigne de l’exploitation humaine orchestrée par l’ordre colonial. Les descendants d’Indiens en dépit de la grande religiosité qui semble les animer, ne peuvent oublier, ni le mépris, ni les violences et encore moins l’ostracisme. 

Pour terminer la réflexion d’aujourd’hui, car le repos dominical ne se prête pas à la polémique, je reprendrai que toutes les grandes traditions spirituelles l’affirment à un degré ou à un autre : nos souvenirs sont aussi mortels que nous. 

Cette idée est contenue dans le concept bouddhiste d’impermanence historique et personnelle ou dans les paroles désabusées de l’Ecclésiaste 1, 11 : “On ne se souvient pas de ce qui est ancien ; et ce qui arrivera dans la suite ne laissera pas de souvenir chez ceux qui vivront plus tard.

La plupart des honnêtes gens sont favorables au pardon, mais il est rare d’entendre des voix en faveur de l’oubli. Peut-être sommes-nous trop influencés par cette phrase survalorisée de George Santayana, “ceux qui ne se souviennent pas du passé sont condamnés à le revivre” – une formule qui néglige le fait que l’Histoire, comme les comportements de chacun, est au moins en partie régie par ce que Freud appelle la chaîne de répétition inconsciente.

Peut-être croyons-nous en la supériorité éthique du souvenir par rapport à l’oubli parce qu’on nous a trop souvent répété que se souvenir, c’est être responsable, alors qu’oublier n’est pas seulement être irresponsable, mais tomber dans une sorte de lâcheté morale ou de nihilisme civique. Après tout, Jésus lui-même a enjoint à ses fidèles de pardonner à ceux qui les avaient offensés, et non pas d’oublier l’offense subie. 


À suivre! 
Diana

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