mercredi, octobre 05, 2016

On n'en finit pas avec le 10 et le 23 mai


Chères amies, chers amis,
Voici un SMS de provocation que je viens de recevoir signé par le CM98:

"Bonsoir cher(e)(s). Nos aïeux, les esclaves, sont entrés à l'Assemblée Nationale. Demain en fin d'après-midi sera discuté un amendement qui introduit dans le titre de la loi de 1983 La Notion (sic) de commémoration des victimes de l'esclavage en complément de celle de l'abolition de l'esclavage. Dans le même temps cet amendement propose que le 10 mai soit la journée nationale de commémoration de l'abolition de l'esclavage et que le 23 mai soit la journée nationale en hommage aux victimes de la traite et de l'esclavage. Le CM98".

Ainsi voici un amendement scandaleux, préparé en catimini, sans consultation des principaux concernés, c'est un coup de force qui fleure bon l'électoralisme et qui en dit beaucoup sur la gestion autoritaire du pouvoir au CM98 et chez leurs alliés du gouvernement. Nos aïeux méritent le respect. Je sais en tous les cas que mes aïeux esclaves se sont battus pour la liberté et ont été des résistants et qu'à ce titre ils méritent du respect.

Pour que chacun puisse juger de l'amendement qui est proposé aujourd’hui à l'Assemblée Nationale, le voici :

"La commémoration de l'abolition de l'esclavage par la République française et celle de la fin de tous les contrats d'engagement souscrits à la suite de cette abolition font l'objet d'une journée fériée dans les départements de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de la Réunion, ainsi que dans la collectivité territoriale de Mayotte.

La République française institue la journée du 10 mai comme journée nationale de commémoration de la traite, de l'esclavage et de leurs abolitions et celle du 23 mai comme journée nationale en hommage aux victimes de l’esclavage colonial".

Cette proposition appelle plusieurs remarques critiques qui ont fait l’objet de débats contradictoire au sein du CNMHE sous ma mandature (2013-2016) et qui explique qu’un décret sur le 23 mai n’ait jamais été soutenu:
- Pour garantir l’unité du pays et travailler à son rassemblement autour de la mémoire et de l’histoire de l’esclavage, il ne saurait y avoir plusieurs dates.
-La proposition de scinder d’un côté "la traite, l’esclavage et leurs abolitions » et de l’autre « les victimes de l’esclavage colonial » est incompréhensible. On célèbrerait le 10 mai, le système de la traite et de l’esclavage (sans les acteurs de l’histoire) et les abolitionnistes; et de l’autre, les « victimes de l’esclavage colonial ».

-Cette opposition qui est créée est au niveau politique contraire au message de rassemblement évoqué ci-dessus.

-C’est une opposition artificielle et anachronique. En effet, les esclaves ne se sont pas pensés comme des « victimes », à savoir des personnes totalement soumises à un système. Ils ont résisté en permanence, soit les armes à la main, soit dans la vie quotidienne. De plus, il n’est pas possible de construire une identité figée de « victimes de l’esclavage » pour les Ultra-Marins et a fortiori pour notre jeunesse. Le monde leur appartient et ils ne doivent pas affronter le monde lestés de cette identité.

-Enfin, la séparation, l’opposition, entre abolitionnistes (le 10 mai) et victimes (le 23 mai) construit une vision racialisée au sein de la République française. On ne peut entériner cette opposition implicite qui est construite entre « Blancs » et « Noirs ». La situation actuelle de la France recommande expressément de tendre à l’unité et au partage des valeurs plutôt qu’à la division.

En revanche, pour travailler au respect des sensibilités et les différentes dates de l’Outre-Mer et de l’hexagone autour de l’histoire et de l’esclavage, l’ancien CNMHE avait lancé « le Mois des Mémoires de l’esclavage et des combats pour l’égalité » entre le 27 avril et le 10 juin (avec une commémoration spéciale le 20 décembre pour la Réunion) qui fédérait toutes les initiatives et qui a rencontré un grand succès avec plus d’une centaine d’événements recensés sur toute la France.

L’enjeu essentiel demeure toujours de faire reconnaître l’histoire de l’esclavage comme histoire de France.

Ce n'est pas le dolorisme qui construit ni le respect ni l'égalité; c'est le combat; c'est le débat et non l'imposition violente et anti-démocratique. Mobilisons-nous pour cela très rapidement et faites-le savoir à vos députés.

Myriam Cottias

1 commentaire:

pyepimanla-histoire a dit…

Myriam Cottias
1 h ·
Devant ... 15 députés -au plus- présents dans l'hémicyclique, l'amendement dont Victorin Lurel était le rapporteur modifiant la loi Taubira a été adopté ... à l'unanimité!
La pauvreté des arguments et leur fausseté (notamment sur le fait que la circulaire Fillon en faveur du 23 mai avait constitué un engagement de l'Etat qui n'avait jamais été exécuté et que donc ce gouvernement se devait de respecter!) sont confondants. Mais il est vrai que ce n'est pas la réflexion qui prime ni même le bien collectif.