Chercheur au CNRS et enseignant à l’université Paris-I, Max-Jean Zins éclaire les coulisses de l’ouvrage né du colloque de Dakar et Gorée.
Max-Jean Zins est spécialiste de l’Inde, du Pakistan et de l’Afghanistan. Mais, souligne-t-il, ses différentes spécialisations, qui n’ont rien à voir avec les traites négrières coloniales, ne l’empêchent pas d’être partie intégrante dans l’aboutissement du livre. « Ce livre est le produit d’une imbrication d’histoires individuelles et collectives totale, dit-il. Basé sur le colloque tenu fin 2007 à Dakar et Gorée, sa mise en œuvre a regroupé 19 intervenants scientifiques, sans compter d’autres acteurs plus généraux dont une délégation du conseil général du Val-de-Marne et une délégation de la CGT. » À ses yeux, l’université Cheikh-Anta-Diop de Dakar ainsi que le Centre de recherche sur l’Asie occidentale de Dakar ont aussi leur place dans cette aventure. Une opération collective dont le chercheur du CNRS tient à parler. « Un colloque comme celui-là, estime-t-il, se comprend dans un contexte très général et dans une histoire de longue durée. » Depuis des décennies, « on perçoit, venant des îles des Caraïbes, une sourde, difficile et douloureuse volonté de parler du passé. De parler des souffrances et de l’ignorance qui entourent la façon dont les originaires de ces îles avaient été traités ». C’est, à ses yeux, autour de cette longue montée de douleur, qu’a finalement abouti, en métropole, la loi de 2001 sur la traite négrière et l’esclavage, considérés comme crimes contre l’humanité.
Dans la foulée de cette loi, s’est créée l’Aden (Association des descendants d’esclaves noirs et leurs amis), à l’initiative de l’ancien maire et sénateur communiste de Vitry-sur-Seine, Marcel Rosette. Lui-même descendant d’esclaves déportés à l’île Maurice. Après 2001, quand, Marcel Rosette a monté cette association, il a eu l’idée du colloque de Dakar et Gorée. Et c’est autour d’un groupe d’hommes, qui se rappelaient leur vie passée et le contexte, que l’association a décidé de tenir ce colloque. « Pour ma part, raconte Max-Jean Zins, j’étais animé d’une sorte de rage de ne pas savoir ce qui s’était passé, mais aussi de n’avoir pas cherché à être au courant de ce crime étalé sur plusieurs siècles. » De là est venue l’idée de reprendre le travail de mémoire. « Pour l’enseigner. Faire quelque chose d’utile. Et plus tard poser la question des réparations », qui avait déjà été évoquée. « On a d’abord travaillé sur un comité de parrainage. Et là, Aimé Césaire a été décisif. À Dakar, nous avons eu le soutien d’Augustin Senghor. Et celui du directeur de l’institut de Gorée, l’écrivain sud-africain Breyten Breytenbach. » Pour Max-Jean Zins, le travail avec Augustin Senghor et Breyten Breytenbach a permis d’insérer le colloque dans le cadre du Festival de la diaspora noire organisée à Gorée. « D’où le caractère démocratique, populaire et collectif de cette démarche scientifique. »
Fernand Nouvet
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