jeudi, avril 01, 2010

100 noms de combattants pour la liberté

Depuis 2006, le 10 mai est chaque année consacré à la Journée de commémoration nationale des mémoires de la traite négrière, de l’esclavage et de leurs abolitions. La Maison des civilisations et de l’unité réunionnaise participe à la construction d’une histoire et d’une mémoire partagées par tous. La traite négrière, l’esclavage colonial et leurs abolitions ont en effet bouleversé à jamais le monde, transformant les frontières, l’économie, la politique, les arts et la littérature. Les héritages de ces quatre siècles sont complexes : souffrance et exil, perte et exploitation féroce mais aussi de nouvelles cultures, de nouveaux rites et de nouvelles musiques. Les résistances de tous les opposants à la traite et l’esclavage colonial — captifs, esclaves révoltés, marrons, philosophes, journalistes, artistes, éducateurs—ont contribué à forger ces nouvelles cultures. Pour mieux faire connaître ce long combat, la MCUR a dressé cent portraits de femmes et d’hommes qui, par leur action, ont défendu les idéaux de liberté et d’égalité. Ces portraits sont destinés à animer des ateliers et des manifestations de toutes sortes.


• Harriet Beecher Stowe - 1811-1896 (Etats-Unis)

« La petite dame qui a écrit le livre qui déclencha cette grande guerre ». C’est par ces mots qu’Abraham Lincoln accueille Harriet Beecher Stowe en 1862.
Il fait allusion au célèbre roman “La Case de l’Oncle Tom”, publié dix ans plus tôt, et dont le rôle pour la propagation des idées abolitionnistes a été très important. Ce récit fait prendre conscience à bon nombre d’Américains des horreurs de l’esclavage.
Institutrice et sœur du célèbre abolitionniste Henry Ward Beecher, Harriet Beecher Stowe participe activement à la protection des esclaves en fuite vers le Canada.

C’est pour dénoncer la loi de 1850, “The Fugitive Slave Act”, qui obligeait, dans tous les États d’Amérique, à livrer aux autorités les esclaves fugitifs, qu’elle écrit son roman.

Vendu à 300.000 exemplaires la première année, “La Case de l’Oncle Tom” est le roman le plus lu du dix-neuvième siècle. Par la suite, les Africains-Américains critiqueront le personnage de l’Oncle Tom, dont le nom deviendra synonyme de soumission.

• Aphra Behn - 1640-1689 (Angleterre)

La vie d’Aphra Behn, née Aphra Johnston en Angleterre en 1640, est peu connue. Ecrivaine particulièrement prolifique du XVIIe siècle, elle est pourtant la première femme à vivre de sa plume.

En 1688, elle publie “Oronoko, ou L’Esclave royal”. Une histoire vraie, l’histoire d’un Africain envoyé au Surinam comme esclave.

Oronoko est un prince qui refuse l’esclavage. Puni, il ne cède pas, gagne sa liberté, et retourne en Afrique. Sa noblesse de caractère force l’admiration d’Européens opposés à l’esclavage et contraste avec la brutalité des esclavagistes.

Le roman, fondé sur une réalité vécue par la narratrice, connaît un immense succès. Traduit en français en 1745, le récit aura une grande influence.

Pour la première fois, un premier personnage “noir” apparaît dans la littérature anglaise, sinon européenne.

“Oronoko” inaugure un genre littéraire politique où les contradictions profondes de l’esclavage telles qu’elles se posent en Europe sont mises pour la première fois en lumière dans un roman.

• Jean-Baptiste Mars Bellay - 1746-1798 (Saint-Domingue)

Né à Gorée, Jean-Baptiste Mars Bellay est vendu à l’âge de 2 ans à un négrier faisant voile vers Saint-Domingue. A une date indéterminée, il rachète sa liberté grâce à ses propres économies.

En 1777, il fait partie des volontaires qui suivent l’amiral d’Estaing dans la campagne de Savannah. C’est sans doute là qu’il acquiert son surnom de « Mars » (dieu romain de la guerre), en récompense de sa valeur militaire.
Son rôle dans les événements de Saint-Domingue jusqu’en 1793 est peu connu, si ce n’est qu’il s’engagea dans l’armée dès que le décret du 4 avril 1792, qui donnait les droits civiques et politiques aux hommes “noirs”.
Elu député à la Convention lors des élections du 24 septembre 1793, il s’embarque pour la France. Lors d’une escale à Philadelphie, aux émigrés qui l’insultent et contestent son grade dans l’armée en raison de sa couleur, il répond : « quand on sait sauver les “blancs” et les défendre, on peut bien les commander ».

Arrivé à Lorient en janvier 1794, il est accusé par Victor Hugues d’être un complice des Girondins, et incarcéré à titre préventif. Une lettre à la Convention le fait rapidement libérer, et le 3 février 1794, il prend siège officiellement à l’Assemblée. Son entrée est saluée par des acclamations et, dès le lendemain, l’abolition de l’esclavage est votée à l’unanimité. Belley se préoccupe de l’application du décret, et propose l’abolition partout où elle n’est pas encore faite.

Belley siège par la suite à la Convention sans y jouer un rôle important. En 1801, il reprend sa carrière militaire. Mais il est bientôt arrêté pour avoir tenu des « propos séditieux », mis aux fers et déporté dans la forteresse de Belle-Isle-en-Mer. La date de sa mort est inconnue.

• Anthony Benezet - 1713-1784 (Etats-Unis)


Jean-Étienne de Bénézet, sa femme Judith de la Megenelle et leurs quatre enfants sont chassés de France par la révocation de l’Édit de Nantes. Ils fuient aux Pays-Bas en 1715, puis s’établissent à Londres.

Antoine Bénézet est alors âgé de deux ans. C’est à Londres qu’Anthony fait plus tard la connaissance des quakers, dont il devient membre vers 1727. La famille Bénézet émigre en 1731 aux États-Unis, à Philadelphie. Parlant l’anglais, le français et l’allemand, convaincu de l’utilité de l’éducation, Antoine, devenu Anthony, devient enseignant en 1739. Il fonde en 1755 la première école publique pour filles aux Etats-Unis et se fait connaître en étant également un précurseur de l’instruction des sourds-muets. Un des premiers défenseurs de la cause des “noirs”, il crée pour eux une école du soir en 1750, puis la Negro School en 1770 où il enseignera jusqu’à sa mort.

Opposant à l’esclavage, il publie articles et livres, et travaille à convaincre les quakers de Philadelphie d’affranchir leurs esclaves. Il s’adresse directement aux puissants dont l’archevêque de Cantorbéry, et déclare que « l’idée que les “noirs” seraient inférieurs est un préjudice vulgaire, basé sur l’ignorance et l’arrogance des maîtres ». Son premier écrit, “The Epistle of 1754”, est une courte, mais claire déclaration contre l’esclavage.

Anthony Bénézet est enterré, selon ses vœux, dans une tombe anonyme du coin Quaker à Philadelphie. Dans son testament, il demande que son legs serve à l’éducation des « Noirs, des Indiens et des Métis ».

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