"Sans élaborer ici sur la notion d’« esclavage colonial » qui est très critiquable car l’esclavage est un système qui a pu exister en dehors du moment colonial, il faut insister sur un autre aspect qui touche la Nation tout entière. En effet, l’entérinement de ces deux dates acte d’une séparation entre histoire et mémoire de l’esclavage. D’un côté, le 10 mai célébrerait « la traite, l’esclavage et leurs abolitions » c’est-à-dire, premièrement, le système sans les acteurs de l’histoire (et peut-on célébrer un système de violence extrême niant l’être humain ?) et, deuxièmement, les abolitionnistes ; de l’autre, le 23 mai rendrait « hommage aux victimes ». Cette opposition est non seulement artificielle mais aussi anachronique et dangereuse.
Artificielle car la pensée abolitionniste s’est élaborée au croisement de la philosophie humanitariste sur l’égalité du genre humain, d’analyses économiques sur la rentabilité du sucre des colonies de l’Atlantique et de l’Océan Indien et des révoltes d’esclaves qui, à partir surtout de la révolution de Saint-Domingue, entretiennent une forte pression sur les gouvernements.
Anachronique car les esclaves ne se sont pas pensés comme des «victimes », à savoir des personnes totalement soumises à un système. Ils ont résisté en permanence, soit les armes à la main, soit dans la vie quotidienne par le refus et le sabotage des moyens d’exploitation de leur force de travail, par les avortements des femmes, par les empoisonnements, par les incendies des plantations. L'histoire des esclaves est aussi celle de leur résilience, celle de leurs combats et de leurs succès, celle du pouvoir de leurs rêves et de leurs engagements.
Dangereuse car elle construit une identité figée de « victimes de l’esclavage » pour les Ultra-Marins et a fortiori pour la jeunesse que l’on ne peut lester de cette identité pour affronter le monde. Celui-ci doit leur appartenir à égalité. Dangereuse enfin car en entérinant, par un décret, l’opposition, entre « abolitionnistes » (le 10 mai) et « victimes » (le 23 mai), la République française valide une opposition implicite entre «Blancs » et « Noirs ». C’est une vision racialisée de l’histoire de France qui est établie, en catimini.
On le sait bien la situation actuelle de la France recommande expressément de tendre à l’unité et au partage des valeurs plutôt qu’à la division. Ce n'est pas le dolorisme qui construit ni le respect ni l'égalité; c'est l’affirmation des valeurs; c'est le débat et non l'imposition violente et anti-démocratique car il n’y a eu aucune concertation sur cet amendement qui n’est demandé que par une marge de la population ultra-marine, originaire des Antilles et demeurant dans l’hexagone, et n’est nullement soutenue par la majorité des personnes vivant dans les Outre-Mer. En revanche, il faut œuvrer à l’unité du pays en s’engageant dans un véritable travail sur les problèmes de continuité territoriale, sur les expériences de discrimination et de racisme, il faut construire le futur et n’ont pas entériner une République des identités antagoniques. "
Myriam Cottias
1 commentaire:
Le président du CM98 le professeur Serge Romana s'est lancé dans une grève de la faim pour défendre les dates métropolitaines de commémoration de souvenir de l'esclavage 10 et 23 mai. C'est la suppression par le sénat de l'article prévoyant cette disposition dans la loi sur l'égalité réelle qui a poussé le président du CM98 a entamer cette grève de la faim.
En tant qu'humaniste chaque fois qu'une femme ou un homme entreprend une telle grève cela m'interpelle car il s'agit de mettre en cause son intégré physique pour défendre une cause à laquelle on croit.
Cependant, j'ai toujours considéré que la loi sur l'égalité réelle est une loi d'assimilation culturelle et économique et je ne change pas d'avis sur la question parce qu'une disposition prévoit des dates françaises pour la commémoration des abolitions 10 mai et des victimes de l'esclavage 23 mai.
Nous Guadeloupéens qui militons pour l'émancipation du peuple guadeloupéen, nous estimons que l'heure de nous-mêmes a sonné.
Nous avons en Guadeloupe une date nationale c'est le 27 mai.
Pour la France ceux de nos compatriotes qui ont fait le choix d'être une minorité ethnique dans la nation française peuvent mener leur combat en ce sens. Ils ont ma sympathie.
Mais pour moi le combat prioritaire ce déroule en Guadeloupe. C'est le combat pour l'émancipation du peuple guadeloupéen.
Jean-Jacob Bicep
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