jeudi, mai 12, 2011

« Quiconque oublie son passé est condamné à le revivre »



Aline Murin-Hoarau : « On ne bâtit pas une société sur une amnésie historique ».

En 1723, l’esclavage est officiellement appliqué à Bourbon et va durer jusqu’en 1848. Durant toutes ces années, des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants arrachés à leur terre natale vivent cette tragédie, ces blessures profondes qui pèsent encore sur nos consciences et nos mémoires aujourd’hui.
Nous savons tous que l’esclavage a nourri le racisme qui est un crime de cœur et de l’esprit. Beaucoup d’entre nous portent encore aujourd’hui tous les stigmates de ce lourd passé historique.
Ce passé continue à s’exprimer au quotidien dans les maux qui déstabilisent notre société. Inégalités extrêmes, chômage, illettrisme, racisme latent ou manifeste, rapports sociaux marqués par la violence, étouffements des personnalités... livrent chaque Réunionnais dans « une guerre civile ». Certes, notre île chante, danse, partage son métissage culturel, mais l’idéologie de la période esclavagiste reste bien présente dans les comportements.
Depuis 2001, le 10 mai a été choisi pour célébrer l’abolition de l’esclavage et la traite négrière reconnues comme un crime contre l’humanité.
Cette date rend un grand et digne hommage à tous les esclaves et marrons qui se sont battus pour leur liberté.
Commémorer ne signifie pas remuer les cendres de ce passé douloureux, difficile. C’est avant tout un acte symbolique dans la reconnaissance de ce devoir de réparation qui affirme une égale dignité pour tous les êtres humains.
Pendant trop longtemps, cette période est restée cachée, masquée.
Et force est de constater que cette partie de l’histoire liée à l’esclavage ne doit plus être occultée dans les programmes scolaires. Les jeunes générations ne doivent pas oublier le drame vécu par leurs ancêtres. La mémoire conditionne la santé d’un peuple.
Honorer le souvenir de l’esclave est un devoir de mémoire. D’abord, ce souvenir a une portée pédagogique. Ce devoir de mémoire doit ensuite être politique, car il instaure la lutte contre l’oubli. Enfin, il est surtout moral, car il éclaire la vérité en refusant le négationnisme historique.
En continuant à commémorer l’abolition, la République libre, égale, fraternelle s’adresse aux descendants d’esclaves qu’elle intègre dans le corps national pour rappeler à l’ensemble des citoyens dans quelles conditions certains d’entre eux ont vécu dans l’espace républicain.
On ne bâtit pas une société sur une amnésie historique.
La commémoration nous permet à tous d’analyser l’histoire pour réparer, pour s’informer, pour construire une société plus juste, et surtout de nous distancier des passions mémorielles.
En ce 10 mai 2011, ayons donc une pensée pour tous nos ancêtres opprimés par le régime colonial esclavagiste.
Aline Murin-Hoarau, conseillère régionale

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