Au nombre des puissances esclavagistes européennes dès première moitié du XIXème siècle, l’Angleterre fut précurseur en matière d’abolition (advenue en 1833 pour ses colonies) et, par voie de conséquence, également en matière d’engagisme post-abolitionniste, singulièrement indien : 1834, arrivée du premier convoi indien dans une colonie anglaise, l’Île Maurice.
Cette précocité fut tout de même facilité par le fait qu’existait à cette époque un immense Empire britannique des Indes – donc un vaste réservoir d’Indiens sujets britanniques susceptibles d’émigrer pour être engagés sur les plantations des colonies à sucre (entre autres) de l’Europe de par le monde, et d’abord de l’Angleterre.
Différentes raisons sont classiquement avancées pour expliquer qu’à cette époque - et plus largement encore à partir de 1860/1861 l’Angleterre ait facilité l’émigration et le recrutement de ces Indiens, sujets britanniques, vers ses colonies :
- En premier lieu, la nécessité de remédier à l’hémorragie de main d’œuvre anciennement servile enregistrée au lendemain de l’abolition de 1833.
- Egalement, la volonté britannique de tarir, par ce recours à l’immigrant indien, une traite négrière qui se poursuivait de fait sous le "pseudo" d’immigration africaine et en dépit de son interdiction formelle déjà ancienne.
- Mais il y avait sans doute également, au rang des mobiles - sinon des motifs – des autorités coloniales indo-britanniques, une possible préoccupation politique de "purger" quelque peu de son trop plein démographique dérangeant, un Empire britannique des Indes régulièrement frappé par des disettes meurtrières ; voire, sans doute aussi, exporter un peu de sa délinquance, de ses miséreux, de ses asociaux divers et variés, de sa marginalité et son agitation sociales.
Faciliter l’émigration pouvait y contribuer à la marge, et les plaintes récurrentes, qui émanaient des lointaines colonies d’immigration et concernaient la "qualité des convois", peuvent accréditer cette idée.
- Enfin, de façon plus conjoncturelle, des "événements" d’ampleur eurent lieu en 1857 qui paralysèrent durablement l’activité industrielle avec l’impact socio-économique et l’agitation sociale que l’on peut imaginer dans l’Inde populeuse du milieu du XIXème siècle ; dès lors, l’émigration peut avoir joué un peu comme "soupape de décompression" sociale, "voie de dégagement" d’une (petite) partie des Indiens "impactés" par la crise ouverte en 1857 dont, peut-être, quelques "indésirables".
Mais, cette année-là, l’émigration indienne post-abolitionniste n’était déjà plus une nouveauté depuis l’arrivée, en 1834 à l’Île Maurice, du premier convoi indien dans une colonie britannique !
Jack Caïlachon chercheur guadeloupéen en histoire, Février 2017.