L’homme en question s’appelle Raphaël Saller. On le voit ici au premier rang à l’extrême gauche avec des lunettes noires sur la photo officielle du premier gouvernement ivoirien en 1960.
Lors du tournage du documentaire, je suis allé sur les traces de Raphaël Saller et de sa famille en Martinique pour reconstituer son parcours.
Saller est né dans la commune du Marin. Après des études au lycée Schœlcher à Fort-de-France, il part à Paris et obtient son diplôme de l’École coloniale en 1928. Il sert notamment comme gouverneur en Côte française des Somalis (actuel Djibouti) puis se fait élire au Conseil de la République, la chambre haute du parlement, pour le deuxième collège de Guinée.
Saller tisse bientôt des liens avec Félix Houphouët-Boigny qui est député puis ministre en France. Houphouët manifeste en effet une grande ouverture à l’égard de la diaspora antillaise.
J’ai d’ailleurs raconté dans mon livre « Mes années Houphouët » la liaison que Houphouët entretient à l’époque avec la députée guadeloupéenne Gerty Archimede qui refusera de l’épouser. Au-delà de cette affaire de cœur, l’intérêt d’Houphouët pour la diaspora se caractérise surtout par la présence à ses côtés de collaborateurs guadeloupéens, comme Guy Nairay et Auguste Denise, dont la mère est ivoirienne.
Entre Félix Houphouët-Boigny et Raphaël Saller, le courant passe vite. Du coup, le premier décide de faire du second son ministre des Finances, des Affaires économiques et du Plan. À ce poste, Saller s’illustre par une politique économique libérale et dynamique, attirant ainsi les capitaux.
La Côte d’Ivoire connaît une croissance astronomique qui fait pâlir d’envie ses voisins. De 1960 à 1964, le total des investissements, pour ce pays de 4 millions d'habitants, s’élève à 138 milliards de FCFA. Le revenu annuel par tête double en 4 ans.
Raphaël Saller, le Martiniquais, devient le père de ce que tout le monde appelle à l’époque le « miracle ivoirien ». Un miracle qui prendra cependant fin rapidement après son départ en février 1966.
Serge Bilé