L'histoire et la sociologie de la caraïbe, des antilles et du monde noir. Naviguons dans le passé de la Martinique, de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Réunion et de l'Afrique
jeudi, mai 06, 2010
Il y a 157 ans arrivaient les engagés indiens
Le 6 mai 1853, après deux mois de traversée à bord de l’Aurélie, 314 engagés Anglo-Indiens débarquaient sur le sol Martiniquais. Les premiers d'une longue série tristement oubliée de l'Histoire.
La Martinique n’a jamais, jusqu’à présent organisé de réelle commémoration officielle de l’arrivée de ces "koulis". Paresse intellectuelle ? Volonté de ne pas mettre au grand jour, quelques pages sombres de l’histoire collective ? Besoin de se reposer dans un "conformisme bi-polaire nègre-béké", écartant de ce fait Nèg' Congo, Indiens, Chinois, Syriens dans la construction du socle martiniquais ? Force est de reconnaître que la culture créole, n’aurait pas vu le jour — sous la forme "Tout monde" que nous lui connaissons —, s’il n’y avait pas eu cet apport Tamoul.
Aucun lieu de mémoire
Revenons donc en arrière. L’abolition de l’esclavage entraîne dans l’île, les prémices de mouvements sociaux, coutumiers un siècle plus tard.
Schématiquement, les anciens esclaves refusent les conditions de travail que les anciens maîtres proposent.
La négociation n’ayant pas encore été inventée (tout au moins le principe), on se tourne vers l’Afrique. Ce sont les fameux "Nèg' Congo : des engagés d’une douzaine d’années ? La ficelle est trop grosse, que celle imaginée par le ministre de la marine Théodore Ducos avec la Maison Régis : c’est de l’esclavage déguisé.
On se tourne donc vers l’Inde. Où précisément sévit une crise économique importante. Comme les comptoirs français du sous-continent ne représentent pas un réservoir démographique suffisant, c’est des territoires anglais que viendront les engagés. Ce qui explique le fait que les engagés soient "parqués" (ex Obéro à Foyal) ; soient régis par un code particulier (peu ou pas respecté, comme pour la religion et la langue) et n’obtiennent la nationalité française qu’après 1920… Longtemps après avoir servi (bien malgré eux) de tampon, voire de bouc émissaire aux békés et aux nègres.
Peut-être est-ce pourquoi ici, nul lieu de mémoire est consacré à l’immigration indienne — à part un buste de Gandhi offert récemment par le gouvernement indien et placé curieusement à la "Crois-mission" de Foyal — ; aucun musée n’aborde ce pan de notre histoire.
Des chiffres à méditer
Le salaire mensuel de l’engagé indien est de 12,50 francs (10 francs pour les femmes et 5 francs en dessous de 14 ans) : le quart de ce qu’exigent les affranchis.
Le salaire mensuel d’un engagé japonais est de 40 francs
Le salaire mensuel d’un engagé chinois est de 37,50 francs
Le coût de la journée moyenne de travail (312 par an) est évalué à 2 francs pour l’Indien et à 3 francs pour le Chinois.
Entre 1856 et 1860, leur taux de mortalité atteint 58°/°°, soit 1612 décès pour 3640 naissances.
En 1884, les engagés indiens représentent 15 % de la population martiniquaise.
Au 1er janvier 1900 ( ans après l’abolition de l’immigration) la Martinique ne compte plus que quelque 3764 Indiens, parmi lesquels une majorité d’hommes.
L’exode migratoire total indien, de 1853 à 1884 a été de 350.000 individus.
L’oiseau rêvé
Efficaces aux champs, habitués à un confort rustique, les Indiens ont aussi l’immense avantage d’être peu coûteux. Pour le planteur, c’est une très bonne affaire. Les frais d’introduction en Martinique depuis l’Inde (environ 400 Francs de l’époque) ne lui coûtent presque rien. Ils sont pris en charge en grande partie par la Caisse Générale de la Colonie. Quant au salaire du "kouli"? On ne lui paye chaque mois que la moitié de ses gages, et l’autre moitié à la fin de l’année ; lorsque son compte sur le grand-livre de l’habitation est balancé. Le nombre de ses jours de travail est porté à son crédit, et l’on en déduit les jours de maladie, d’absence autorisée et ceux de retenue.
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