mercredi, mai 05, 2010

Les Africains aussi coupables de la traite négrière que les Américains et Européens


La semaine dernière, le professeur d’Harvard Henry Louis Gates Jr. a fait l’annonce controversée que les Africains noirs étaient autant à blâmer pour l’esclavage que les Européens et Américains blancs. Selon Gates, l’implication des Africains rend la question de réparation pour les descendants d’esclaves encore plus complexe. Mais est-ce là, la question?

Dans l’esprit de Gates, les gens qui ont le plus profité de la traite transatlantique des esclaves (les Européens et les Américains) ne sont pas plus ou moins coupables que ceux qui ont vendu les premiers esclaves en captivité (l’élite africaine). C’est comme dire que les gens qui ont référé des clients à Bernie Madoff sont aussi coupables que l’homme qui fait des milliards en escroquerie.

Dans l’article de Gates parut au New York Times, “Mettre fin au jeu du blâme de l’esclavage », il nous rappelle que 90 pour cent de ceux expédiés vers le Nouveau Monde ont été réduits en esclavage par les Africains et ensuite vendu aux marchands européens. » Pour le débat sur la réparation, Henry Gates soutient qu’il est insoluble parce que les gens noirs étaient tout aussi complices de la traite des esclaves que les Blancs. Mais cette logique est déficiente en deux points : l’identification du coupable d’origine ne dispense pas toutes les autres parties coupables elles aussi, et que les bénéfices en argent tirés de la faute originelle sont seuls motifs d’une certaine forme de compensation.



Pendant des années, Gates tente de faire la lumière sur l’institution de l’esclavage. Selon lui , cela a été rendu possible, en partie, par des Africains, qui mettaient d’autres Africains en esclavage et ensuite les vendaient. Que les motivations de ses allégations sur ce scandale historique ont un caractère purement scientifique ou encore ont été faites pour apaiser la culpabilité de l’Amérique blanche, elles font l’objet de débat. Toutefois, il fournit un contrepoint nécessaire à la vision déformée de l’histoire de nombreux romantiques noirs.

Mais un point de vue prétendument juste et équilibré de l’Histoire ne justifie pas sa nullité de l’argument de la réparation. Si quelqu’un a volé ma voiture et il a vendu, je voudrais que le voleur soit traduit en justice. Je suis plus concerné de reprendre possession de ma voiture que de la personne qui est actuellement en sa possession. Les gens qui ont vendu les Africains en esclavage sont de moindre importance dans cette équation. Si c’était des Martiens qui avaient vendu les Africains aux Américains, est-ce que ça changerait vos idées sur les États-Unis ou les sociétés qui sont nées des capitaux de l’esclavage? Pas du tout. Ils en ont profité amplement.

L’Amérique ne serait pas l’empire capitaliste qu’il est aujourd’hui sans plus de 400 années de travail gratuit, de l’esclavage qui l’ont catapultés au premier rang économique mondial. Beaucoup de grandes sociétés – les compagnies de tabac, les sociétés cotonnières, les compagnies d’assurance, les institutions financières – sont devenues importantes grâce aux bénéfices obtenus par l’esclavage.

Henry Gates estime que la demande de réparations est accablée par les aspects pratiques de déterminer qui doit payer. Mais c’est en fait une opération beaucoup plus simple que ce qu’il peut imaginer : ceux qui ont profité de ce qui n’était pas le leur — la vie humaine des Africains – ont une dette à payer, point final. Le tableau de la justice est incomplet sans cette compensation.

Gates doit se demander s’il est plus en colère avec Lucia Whalen, sa voisine qui a appelé la police pour lui alors qu’il tentait d’entrer dans sa propre maison, ou la police qui lui ont effectivement mis les menottes pour temporairement enlever sa liberté.

L’histoire démarre jeudi 16 juillet 2009, quand une femme s’étonne de voir deux hommes noirs s’acharner autour de la serrure d’une maison voisine, à Cambridge, dans le Massachusetts. Elle alerte la police, qui dépêche le sergent James Crowley sur les lieux. À son arrivée, l’homme soupçonné d’avoir forcé l’entrée de la résidence de cette banlieue chic de Boston est déjà dans l’entrée de la maison. Quand il est interpellé par l’officier, un Blanc, l’homme, qui n’est autre qu’Henri Gates Jr, l’un des universitaires noirs les plus influents du pays, auteur de livres et de documentaires, président du comité de sélection du Prix Pulitzer et directeur du prestigieux Institut W.E. B Dubois sur la recherche africaine et afro-américaine de l’université de Harvard, refuse de présenter ses papiers et affirme qu’il est le propriétaire des lieux. Un policier arrivé en renfort écrit dans son rapport avoir entendu le professeur Gates hurler : « C’est ce qui arrive aux Noirs en Amérique ! »

Après avoir finalement montré ses papiers d’identité et sa carte d’immatriculation de Harvard, Henri Gates est néanmoins menotté et emmené au poste pour « conduite contraire aux bonnes mœurs ». Ces charges seront abandonnées et le professeur rentrera chez lui après quatre heures au poste. Mais l’histoire fait le tour du pays et enflamme la blogosphère. L’universitaire exige des excuses du policier, qui refuse, affirmant n’avoir fait que suivre les procédures en vigueur.

Le tout vient à l’oreille du président Barack Obama qui affirme que « la police a agi de manière stupide ». La police se dit insultée, mais le président Obama garde son point. L’aventure se conclut par une invitation à la Maison Blanche du policier et du professeur par le président américain pour discuter des relations raciales.

Le 9 mars 2010, Gates allègue à l’émission le Oprah Winfrey Show que lui et Sgt. James Crowley, le policier dans l’incident de Cambridge, partagent un ancêtre commun.

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