Monsieur le Maire,
Messieurs et mesdames les conseillers municipaux,
Messieurs et mesdames les présidents
Chers amis,
Nous voici réuni ce 10 mai 2011 autour de ce mémorial du souvenir de Sainte
Geneviève des bois, en ce jour particulier nous honorons la mémoire de deux
illustres personnages, ils n’ont rien de commun, si ce n’est qu’ils sont nés
esclaves, l’un plus que l’autre, mais c’est la condition de servilité qui a
préludé à leur naissance et c’est cette
mémoire qui nous rassemble.
Toutefois, avant de parler des personnages pour lesquels une plaque à leur nom sera apposée sur
la stèle, revenons un instant à la loi
Taubira.
Ce 10 mai 2011,
fera 10 ans que l’assemblée nationale a adopté cette loi qui dans on article 1er dit : « La République française reconnaît
que la traite négrière transatlantique ainsi que la traite dans l'océan Indien
d'une part, et l'esclavage d'autre part, perpétrés à partir du xve siècle, aux
Amériques et aux Caraïbes, dans l'océan Indien et en Europe contre les
populations africaines, amérindiennes, malgaches et indiennes constituent un
crime contre l'humanité. »
Cette
loi qualifiée mémorielle avait été votée à l’unanimité, tous les députés l’ont
voté, mais depuis son entrée en vigueur elle n’a eu cesse d’être décriée,
dénoncée et aujourd’hui elle est menacée : « le 2 mars 2011, le chroniqueur Erick ZEMOUR, condamné avec
sursis, le 18 février, à 2000 euros d’amende pour provocation à la
discrimination raciale, reçoit une
ovation des députés de l’UMP réunis à l’assemblée nationale lorsqu’il propose
de supprimer les lois mémorielles ainsi que les subventions aux associations
anti-racistes.
Le lendemain, 3 mars 2011, c’est au tour de Christian
VANESTE, député UMP du Nord, de déclarer sur le site « le nouvel
observateur.com », que : « la loi
Taubira est une honte pour notre pays, une honte pour la liberté d'expression
dans notre pays. Il faut la supprimer tout de suite. C'est une loi
anti-française ».
Ces personnes considèrent que toute date de commémoration
de l’esclavage, que ce soit celle de l’abolition (10 mai) ou celle en mémoire
des victimes (23 mai) doit être supprimée. »
Face à
ces attaques, les afro-descendants et les personnes de bonne volonté se
mobilisent pour la sauver.
Donc, c’est un triste anniversaire. Il pourrait
s’apparenter presque à un déni, d’histoire, un déni de mémoire, une insulte
pour nos populations, celles dont les ancêtres ont été victimes de la traite et
de l’esclavage.
Pourtant la loi Taubira n’est
pas contraignante, ce n’est pas une loi impérative, dans son art 2 elle prévoit : « Les programmes
scolaires et les programmes de recherche en histoire et en sciences humaines
accorderont à la traite négrière et à l'esclavage la place conséquente qu'ils
méritent. La coopération qui permettra de mettre en articulation les archives
écrites disponibles en Europe avec les sources orales et les connaissances
archéologiques accumulées en Afrique, dans les Amériques, aux Caraïbes et dans
tous les autres territoires ayant connu l'esclavage sera encouragée et
favorisée. »
La loi ne donne pas de direction, ni de sens, pas d’orientation,
la loi demande que cette histoire soit
enseignée, simplement que l’on accorde
à la traite négrière et l’esclavage la place qu’elle mérite…
L’article
3 c’est une intention « Une requête en reconnaissance de la traite négrière
transatlantique ainsi que de la traite dans l'océan Indien et de l'esclavage
comme crime contre l'humanité sera introduite auprès du Conseil de l'Europe, des
organisations internationales et de l'Organisation des Nations unies. Cette
requête visera également la recherche d'une date commune au plan international
pour commémorer l'abolition de la traite négrière et de l'esclavage, sans
préjudice des dates commémoratives propres à chacun des départements
d'outre-mer. »
Cette loi est peu de chose, elle ne prévoit pas de sanctions,
n’est pas directive, alors pourquoi une telle hostilité vis-à-vis de la loi
Taubira ?
Plusieurs facteurs à cela, une congruence d’évènements conduisent à la remise en cause des lois mémorielles :
Tout d’abord :
-
La
mémoire est un enjeu économique ( car pouvant donner lieu à réparation, ce
n’est pas le cas de la loi Taubira, rien n’est prévu à cet effet) ;
-
un enjeu politique (car pouvant modifier les
rapports de force et agglutiner des votes population envers…),
-
Un enjeu sociologique ( car la loi nomme et détermine des groupes
sociaux, elle identifie une composante de la société) ;
-
un enjeu idéologique (vous êtes au fait de
l’actualité, chacun constate que le climat européen n’est guère serein, les
déceptions quant aux politiques menées génèrent un ras-bol des populations qui
se traduisent par une montée généralisée des thèses de l’extrême droite…
Le contexte de grande déprime économique fait que les démocraties
sont sous la menace des forces du
fascisme et de l’extrême droite et dans un tel contexte les idées racistes
ressurgissent, elles sont assumées,
voire banalisées, à l’instar de ce qui s’est passé à la Fédération française de Football :
trop de Noirs et d’Arabes, alors il faut discriminer, mais il ne faut pas que
cela se sache, mais cela s’est su.
Toutefois, ces gens répondaient aux désidératas de feu Georges Frêche et de Jean-Marie Le
Pen : l’équipe de France est black, black, black.
Une argumentation fondée sur des préjugés raciaux, une
discrimination fondée sur des critères
de couleur.
Mais ce qui est le plus triste, ce que nous croyons que ces gens
qui se disent non-racistes ne sont effectivement pas racistes.
Comment la vérité pourrait-elle raciste, et eux ils énoncent des
vérités : les Noirs forts et costauds, mais pas très intelligents. Les
Arabes, des fanatiques, égorgeurs, tous
des voleurs. Les Juifs des manipulateurs, des menteurs et des escrocs.
Insidieusement, on renoue avec ces déterminismes raciaux, qui
de tout temps ont conduit les hommes à s’affronter, à s’entretuer, à
plonger le monde dans la terreur et la guerre.
Alors les lois mémorielles, elles doivent-être vues comme des
phares éclairant la mer, afin d’éviter
les naufrages.
Et c’est pourquoi, nous
devons maintenir ces lois et faire perdurer dans les mémoires, le souvenir de
ces grandes catastrophes humaines, de ces grands naufrages de l’humanité, afin
de nous préserver de leur renouvellement et de leur répétition.
Chacun d’entre nous doit dire et faire pour que les drames ne se
répètent pas.
Dire que quelle que soit la couleur de la peau et les origines,
nous sommes tous des hommes, il n’y a pas des plus humains que d’autres.
Faire que le vivre ensemble soit possible et cela passe par une
réalité effective des droits et la lutte contre les discriminations et les
préjugés.
Merci de votre écoute.
Tony Mardaye